Dissertations corrigés de philosophie pour le lycée

Catégorie : La raison

La raison, cette faculté humaine unique qui permet la pensée logique et la résolution de problèmes, est au cœur de la philosophie épistémologique et de la philosophie de l’esprit. Elle nous interpelle sur la nature de la connaissance, sur les méthodes de la pensée critique, et sur la quête de la vérité. L’exploration de la raison nous guide dans notre recherche de compréhension du monde.

femme en priere devant un autel en forme de cerveau

La religion est-elle contraire à la raison ?

La question de la compatibilité entre la religion et la raison a longtemps divisé les penseurs. Cette dissertation philosophique vise à explorer cette problématique complexe, en analysant les arguments pour et contre l’idée que la religion est contraire à la raison.

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Le bonheur est-il affaire de raison ?

La question de savoir si le bonheur est une affaire de raison est l’une des interrogations les plus profondes et fascinantes de ce domaine.

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Croire, est-ce savoir ?

La dissertation philosophique qui suit explore la complexité de la relation entre la croyance et le savoir. Elle questionne si croire, un acte souvent associé à la foi et à l’incertitude, peut être considéré comme une forme de connaissance.

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A quoi sert la raison ?

La raison est un outil fondamental de l’homme pour comprendre et interagir avec le monde. Cependant, sa fonction exacte est souvent débattue. Cette dissertation philosophique explorera la question « À quoi sert la raison ? », en examinant diverses perspectives et théories philosophiques.

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Croire, est-ce renoncer à la raison ?

La dissertation philosophique qui suit explore la relation complexe entre la foi et la raison. Elle se penche sur la question controversée : « Croire, est-ce renoncer à la raison ? » et tente de déterminer si ces deux concepts sont mutuellement exclusifs ou peuvent coexister harmonieusement.

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Dissertation philosophique : L’usage de la raison exclut-il toute forme de croyance ?

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    ANALYSE PROBLÉMATIQUE :

L’usage de la raison consiste d’abord à exclure tout ce qui peut être mis en doute. La raison use donc méthodologiquement du doute, de la critique et de test expérimentaux pour poser des affirmations et surtout rejeter de son discours toute forme d’erreur ou d’illusion. Toute croyance a affaire au doute. Mais au lieu d’exclure ce qui peut être mis en doute elle tend plutôt à exclure le doute par le biais de la conviction. Une opinion est une croyance dont le degré de conviction résiste rarement face à une argumentation contraire convaincante. Une conviction religieuse porte un noyau la foi dont l’intensité se mesure précisément par la résistance face aux données argumentatives, expérimentales, etc. qui vont en sens contraire. L’intensité de la foi religieuse semble donc aller à rebours de ce qui caractérise la rationalité. La foi religieuse exclura souvent en son noyau toute forme de discours rationnel qui s’y oppose.

L’usage de la raison doit absolument passer l’opinion au crible de son argumentation critique et mettre entre parenthèse toute forme de foi religieuse qui postule une forme de confiance aveugle en une interprétation de la vie qui en profondeur au moins est sensée porter une dimension absolument positive. La raison cherche elle à se défaire de toute forme de croyance au point parfois de privilégier l’agnosticisme à tout forme de confiance. La raison peut user à ce point du doute qu’elle n’a plus foi en elle-même, dans sa capacité à approcher le vrai. En se retournant contre elle-même, elle nourrit le scepticisme. Pour que son usage garde une efficacité pragmatique, la raison a besoin de faire au moins comme si elle pouvait approcher une vérité en excluant de son résidu de croyance des erreurs, des illusions, etc. Elle doit admettre la croyance comme son matériel de départ et développer des méthodes pour en améliorer l’efficacité pragmatique. Ainsi soit la raison sera impuissante en n’ayant plus aucune foi en elle-même et s’engluera dans le scepticisme, soit elle gardera une forme de foi en elle-même pour développer une forme d’efficacité pragmatique. Reste à savoir si elle peut extirper toute forme de foi aveugle ?

    PLAN DETAILLE :

I – L’usage cartésien et positiviste de la raison exclut-il toute forme de croyance ?

A – La méthode cartésienne fondée sur l’indubitabilité exclut toute forme de croyance liée à l’opinion, à l’autorité et à la tradition (religion comme adhésion (religare) irréfléchie est ébranlée).

Le sujet rationnel, l’ego cogito est libre de toute croyance (opinion, autorité, tradition) y compris par rapport à sa personnalité.

Cependant son idée de l’infini implique une croyance religieuse… Il y a un reliquat métaphysique de croyance. Cette expérience intérieure (religere) veut faire la foi religieuse en Dieu une foi rationnelle mais pourquoi affirmer que la dimension infinie de notre conscience est la présence de Dieu ? Cette interprétation de l’expérience intérieure de l’idée d’infini révèle en même temps que les fois religieuses sont des interprétations partielles et arbitraires de l’expérience intérieure.

B – Le positivisme d’Auguste Comte héritier du cartésianisme estime que la croyance est la matière de la science. (les trois états : magico-religieux, métaphysique, scientifique).

Remarque : l’expérience de l’idée d’infini peut traduire plutôt une prise de conscience individualisée de la matière par elle-même. L’univers matériel à la fois fini et infini (comme le segment [0,1] dans IR) se reflète dans nos cerveaux.

C – Transition critique : le réductionnisme positiviste cartésien (exclusion du « pourquoi » pour le seul « comment ») est une négation de la richesse de sens de la vie. Nietzsche soupçonne (doute et critique) la raison scientifique dénuée de sens. L’infini du sens de la vie n’est pas quantifiable, c’est un infini qualitatif par définition inquantifiable voire indéfinissable ! Le positivisme et le cartésianisme n’interrogent pas leur croyance en la toute puissance de la raison.

II – L’usage sceptique de la raison peut-il exclure toute croyance ?

A – L’usage sceptique de la raison montre les limites du dogmatisme rationnel qui implique toujours toujours une foi aveugle en la vérité exclusiviste et donc intolérante :

a) Absence de vérité cohérence : En mathématiques, les axiomes ne sont pas démontrables. On peut partir d’axiomes opposés. Il y a plusieurs logiques possibles. Il n’y a pas de cohérence rationnelle absolue.

b) Absence de vérité adéquation : En physique, on ne peut échapper à l’interprétation liée à l’observation, à la mathématisation, à un ou des paradigmes d’un programme de recherche. Il y a donc des croyances.

B – Cependant par le doute au carré, le sceptique n’est pas irrationnel (fou, dangereux ou immoral) mais rien dans ce qui apparaît dans l’esprit ne permet d’atteindre une vérité, c’est l’abandon et la suspension du jugement (époché) par l’usage de la raison (zététique) qui produit par accident l’ataraxie.

C – Toutefois un certain scepticisme par son conformisme ou son pragmatisme (au moins pour son enseignement) implique un « comme si » dont la valeur est de l’ordre de la conviction et donc de la croyance.

Nietzsche insiste sur la vitalité créatrice en jeu au cœur de toute valorisation d’une interprétation possible par rapport à d’autres. Au fond les valorisations sceptiques sont trop souvent conformistes moralement et socialement : on peut les soupçonner de frayer avec la croyance malgré leur prétention contraire.

    RÉDACTION DE LA TROISIÈME PARTIE :

III – L’usage pragmatique de la raison n’implique-t-il pas une foi en une évolution créatrice ?

La philosophie pragmatiste avec Charles Sanders Peirce admet que la croyance est une dimension indépassable du développement humain. La foi aveugle religieuse permet par exemple de se cramponner à l’espérance que la situation en apparence la plus désespérante aura une issue : elle a une efficacité psychologique indéniable. La confiance en l’autorité et en la tradition permet de recueillir l’expérience et le savoir des générations passées : elle semble une condition nécessaire de l’efficacité pédagogique car si l’élève doutait de tout ce que lui transmet son maître il n’apprendrait rien. Toute pensée théorique implique une croyance en certains a priori métaphysiques : ne croire en rien exclut la possibilité de toute construction théorique et sans construction théorique on ne pourrait pas tirer des faits aucune théorie scientifique. Enfin toute théorie scientifique elle-même demeure une croyance même si elle s’appuie sur des faits expérimentaux, une efficacité pragmatique ou si elle a permis de surmonter des erreurs, des illusions qui faisaient jusque là obstacle à l’extension de la connaissance. Pascal dans Les Pensées met en lumière notre condition humaine d’homme moderne. L’homme est un roseau pensant. La raison, sa grandeur, lui découvre sa condition misérable d’être perdu entre l’infiniment grand et l’infiniment petit sans pourtant être au centre de quoi que ce soit. Le sens de la condition humaine moderne montre une impossibilité « de prouver invincible à tout le dogmatisme » et suggère « une idée de la vérité invincible à tout le pyrrhonisme ». La raison moderne rend la foi religieuse populaire insuffisante car elle met en cause la foi qui ne s’embarrasse pas du désir de tout comprendre de ce à quoi elle croit tout comme une croyance irréfléchie en l’autorité et en la tradition. L’homme moderne enfin n’adhère plus enfin aux théories métaphysiques qui cherchent à rendre compte de la présence du mal à partir d’un bien caché. Dans son fragment infini rien Pascal expose son pari religieux. Il suggère que seul est raisonnable du point de vue des gains et des pertes un pari en faveur de la pratique de la foi chrétienne. Mais il admet que ce pari qui donne lieu à geste de confiance lié à un calcul intéressé doit devenir un pari du cœur de plus en plus désintéressé. Quoiqu’on pense de l’interprétation chrétienne catholique janséniste de la foi désintéressée par Pascal, qu’on la juge plus ou moins réductrice, intolérante, etc., on peut retenir que l’usage de la raison ne peut pas se cantonner à la seule faculté de l’entendement, elle implique forcément aussi l’usage de la faculté du cœur pour ne pas sombrer dans les excès réductionnistes, appauvrissants voire desséchants du positivisme ou les excès de conformismes conservateurs auxquels aboutit un certain scepticisme. Admettre avec les philosophies pragmatiques le rôle central de la croyance y compris dans les démarches rationnelles implique de s’intéresser à cette faculté du cœur dans ses rapports à l’entendement. La confiance en la raison nécessaire à son propre usage met donc en jeu la faculté du cœur. Cette faculté du cœur quand elle nourrit l’usage de la raison met en jeu une foi. Cette foi postule, comme une foi religieuse, une forme de confiance aveugle en une interprétation de la vie qui en profondeur au moins est sensée porter une dimension absolument positive. A la différence de la foi religieuse, cette foi en la raison s’exerce d’abord à l’égard de la recherche de la connaissance. Cette foi est comparable à une foi religieuse appelant à la voie de la connaissance comme dans le bouddhisme, le taoïsme, le jnana yoga hindou ou même la mystique rhénane à ceci près qu’elle est purifiée de toute forme d’exclusivisme caractéristique de ces traditions, de toute adhésion à des croyances dogmatiques religieuses, etc. Le seul et unique exclusivisme indépassable de cette foi est lié à la singularité qualitative de celui qui exerce son entendement. Cette foi en la raison est particulièrement en jeu quand la raison rencontre ses limites dans le chemin singulier de connaissance d’un individu. Là où les traditions religieuses bornent un chemin à la connaissance, la foi en la raison permet à l’individu d’affronter l’inconnu. Cette foi en la pratique de l’entendement n’hésite pas à initier l’individu à des dilemmes au sein de sa connaissance rationnelle qui ébranleront sa foi à des traditions religieuses qui voudraient toujours l’attacher à des réponses établies plus ou moins réfléchies. La foi en la raison amène l’individu à estimer que les chemins de la connaissance peuvent recevoir à tout moment une réponse inédite qui renouvellera le regard qu’avait la vie sur elle-même à travers lui. Un questionnement nouveau est presque toujours l’occasion d’une réponse inspiratrice voire créatrice. Celui que la foi en l’entendement aura conduit là constatera que les religions réservent cette inspiration et cette puissance créatrice qu’à leurs initiateurs comme si maintenant il n’y avait plus rien de nouveau à découvrir. La conscience rationnelle du point de vue de cette foi radicale en la vie et en la connaissance est épurée de tout enfermement dans les limites d’une quelconque forteresse mentale : elle apparaît elle-même en évolution autant du point de vue de son contenu que de sa forme. Quand la connaissance évolue, la raison évolue elle-même. Pour évoluer la conscience humaine doit avoir foi dans le fait d’amener sans cesse la raison à se confronter à ses limites et à son ignorance. Mais rien n’empêche que évoluant au-delà de la conscience rationnelle la conscience humaine elle-même ne pénètre au-delà de la conscience mentale qui la caractérise. Bergson évoque cette possibilité quand il se réfère à une intuition créatrice qui nourrirait l’intelligence d’un éclairage nouveau. Peut-on aller plus loin et estimer que l’évolution de la conscience mentale humaine à travers la connaissance rationnelle n’est qu’une étape vers une conscience surhumaine vivant de plus en plus directement sur le plan de ce qui engendre l’évolution du vivant et l’univers ?

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  • Le rationnel et l’irrationnel

Introduction

I- Analyse des deux notions et surtout de leurs différences

A- Caractérisation de l’irrationnel

B- Caractérisation du rationnel

C- Conséquence : le rationnel et l’irrationnel sont deux notions irréductibles l’une à l’autre et entretiennent entre elles un rapport d’opposition, de conflit

II- En quoi le rapport qu’entretiennent entre eux le rationnel et l’irrationnel est un rapport de conflit

A- L’irrationnel humilie la raison

B- Le rationnel exclut de soi l’irrationnel

III- Le rationnel et l’irrationnel n’entretiennent-ils pas plutôt un rapport dialectique, d’engendrement réciproque ?

A- L’irrationnel comme moteur du rationnel

B- Il n’y a pas de rationnel en soi

C- Il n’y a pas non plus d’irrationnel en soi ; les notions de rationnel et d’irrationnel sont donc relatives (et relatives l’une à l’autre)

Il s’agit ici de saisir quel type de rapport peut se penser et s’organiser entre deux concepts, ceux de rationnel et d’irrationnel.

Si le rationnel désigne en général ce qui est conforme à la raison et à ses normes, et désigne dès l’abord un idéal, une valeur, l’irrationnel est quant à lui une notion marquée négativement ; il suppose donc une négation, qui est celle, en l’occurrence, de ce qui relève de la raison. Ainsi l’irrationnel désigne ce qui est irréductible, étranger, ou contraire à la raison. Est-ce que cela signifie que ces deux domaines seraient essentiellement en rapport de conflit? Il le semblerait bien, puisque nous sommes en présence d’une notion qui est négative et axiologiquement négative, et d’une autre qui elle, est positive et axiologiquement psitive. Nous serions donc apparemment en présence de deux domaines complètement opposés et irréductibles l’un à l’autre, dont l’un menace l’autre.

Mais le fait qu’il y ait de l’irrationnel est-il vraiment un obstacle à la raison? On le voit à travers cette question, ce qui pose problème dans l’intitulé du sujet, c’est le présupposé selon lequel les limites entre ces deux domaines sont bien discernables. En effet, répondre à la question que nous venons de poser, nécessite que l’on sache quelles sont les limites (exactes) de chacun de ces deux domaines, et présuppose que ces deux notions sont absolues, non relatives. Si l’irrationnel est ce qui limite le rationnel, cela ne présuppose-t-il pas avant tout que la raison soit toujours identique à elle-même, comme la philosophie classique le présupposait? Or, ne voit-on pas à travers l’histoire que la raison a connu des progrès, qu’elle n’a cessé de changer? Dès lors, cela est-il si évident de dire que ces deux domaines sont complètement opposés l’un à l’autre? Et le propre d’une raison non plus "immuable" comme l’ont cru les classiques, mais plastique et dynamique, n’est-il pas au contraire de dialoguer avec son autre? -On le voit, ce qui est en jeu dans le sujet, c’est la nature même de la raison, qui semblerait bien dépendre des rapports qu’elle entretient avec l’irrationnel.

I- Analyse des deux notions et surtout de leurs différences

Avant de pouvoir déterminer si le rapport envisageable entre les notions de rationnel et d’irrationnel est de conflit ou bien de dialogue, et donc, s’il y a unité ou opposition entre les deux, il nous faut d’abord caractériser précisément ces deux notions et voir quelles peuvent être leurs différences.

A- Caractérisation de l’irrationnel

Qu’en est-il, tout d’abord, de l’irrationnel? Cette notion est loin d’être simple.

On y trouve d’abord un rapport aux règles fondamentales de la logique, que ce soit dans nos démarches cognitives ou dans le domaine de l’action. L’irrationnel en effet se caractérise comme une déviance par rapport à celles-ci. Il signifie l’illogique, l’incohérent. Par exemple, un comportement est caractérisé comme étant irrationnel quand on y constate un désaccord avec soi-même ou quand on agit contre ses propres principes, ou encore, quand on croit à la fois une chose et son contraire.

On peut notamment se référer à l’intempérance (acrasia) dont nous parle Aristote dans le livre VII de l’ Ethique à Nicomaque . L’agent sait dans ce cas où est le meilleur pour lui, mais agit contre ce principe : par exemple, il sait que manger trop de gâteaux au chocolat est dangereux pour la santé, et il est tout à fait d’accord avec ce principe, qu’il veut prendre comme principe de sa conduite ; pourtant il se met à manger une multiplicité innombrable de gâteaux au chocolat : il y a ici contradiction entre l’action effective et le principe de cette action.

Dans le domaine de la croyance, on peut croire qu’il existe des soucoupes volantes, alors qu’on sait par ailleurs que c’est impossible.

Enfin, dans le domaine proprement cognitif, l’irrationnel semble s’apparenter à une démarche ne respectant pas le principe de contradiction, ou faisant une inférence complètement illogique. Exemple :  tous les chats sont noirs, or Putsinus est un chat donc Putsinus est gris est un jugement irrationnel car il est logiquement faux.

Bref, l’irrationnel nous renvoie d’abord à un domaine de la faute logique, du manque d’adaptation des moyens à fins. On est mené directement à dire que l’irrationnel, c’est ce qui n’est pas guidé par la raison. Il a rapport avec ce qui, dans notre être, semble naître d’autre chose que de la rationalité, ou des facultés intellectuelles les plus élaborées ou réfléchies. C’est donc le domaine des productions spirituelles échappant au contrôle logique. Il nous renvoie alors à ces manifestations crépusculaires de notre être que sont la folie, l’inconscient, l’affectivité, etc.

Enfin, il semble qu’un des sens fondamental de la notion d’irrationnel soit qu’il est la limite permanente à l’intelligibilité. Ce qui le caractérise c’est l’absence de sens, d’intelligibilité. En effet, on emploie souvent le mot d’irrationnel pour désigner ce dont on ne saurait rendre raison, ce qui par définition ne saurait être formalisable ou déductible, ce qui ne se laisse pas mettre en concepts. Ainsi par exemple le fait même de l’être ou de l’existence, les événements historiques, ou encore Dieu, ne se laissent pas déduire par la raison. C’est donc ce qui est inaccessible par nature à l’intellect, l’injustifiable, le contraire d’un système déductif et achevé.

B- Caractérisation du rationnel

Au contraire, le rationnel ne serait-il pas par essence le domaine de ce qui est déductif ? Ne peut-on pas dire qu’il culmine dans la rationalité logique et mathématique, où, n’ayant affaire qu’à elle-même et à ses propres normes, la raison ne risque pas de rencontrer l’erreur? Alors que l’irrationnel nous ramenait à l’absurde, à ce qui dans notre être ou dans le réel est non maîtrisable, le rationnel nous renvoie, comme on peut le voir dans l’étymologie du terme raison, "ratio" (calcul), au domaine de la pure cohérence, du maîtrisable, de l’intelligible. C’est ce qui peut être expliqué, mis en rapports, ce dont on peut assigner les raisons... Loin de la sphère obscure qui caractérisait l’irrationnel, nous sommes ici dans ce qui est clair et transparent à l’homme.

Le seul problème est que si on définit le rationnel comme ce qui relève de l’exercice de la raison, ou, comme nous le disions dans notre introduction, comme ce qui est conforme à la raison et à ses normes, alors, il nous faut définir précisément quelles sont cette raison et ces normes. Or, cela ne se révèle-t-il pas impossible? La raison, demandions-nous dans notre introduction, n’est-elle pas une notion qui a connu, à travers l’histoire, une évolution? Avant d’en venir à traiter ce point qui est évidemment le coeur du problème soulevé par notre sujet, nous pouvons quand même essayer de caractériser un peu plus avant le rationnel en nous dirigeant vers ce qui est communément considéré comme étant une pensée rationnelle ou ce qui correspond selon la tradition classique, à l’idéal rationnel.

On considère en général que la pensée rationnelle culmine dans le discours scientifique. Qu’est-ce que cela signifie? Que la pensée rationnelle est une pensée objective, qui a renoncé à faire usage des facultés ou qualités occultes, communément utilisées chez Aristote ou au moyen-âge pour rendre compte des phénomènes ( on disait par exemple que l’opium fait dormir parce qu’il a une vertu dormitive ; ou encore, que le mouvement est du à des sortes de petits esprits internes à la matière, etc.) ; elle ne fait pas appel à ce qui en nous est de l’ordre du préjugé, de l’incommunicable, etc. Elle désigne une connaissance méthodique et efficace du monde, rigoureuse, ayant recours à l’abstraction ; elle est communicable, universelle, c’est-à-dire, qu’elle n’est pas propre à chaque esprit.

C- Conséquence : le rationnel et l’irrationnel sont deux notions irréductibles l’une à l’autre et entretiennent entre elles un rapport d’opposition, de conflit

Cette caractérisation générale (et, nous l’avouons, sommaire, mais, comme le dit bien Granger dans son essai sur La raison , cela n’est-il pas dû au fait que la raison est l’un des complexes culturels les plus complexes qui soient?) des deux notions de rationnel et d’irrationnel nous mène à dire que les deux termes semblent se repousser l’un l’autre, et ce, irréductiblement.

En effet, le domaine de l’irrationnel nous renvoie à ce qui échappe à la raison et à ses normes, et même, à ce qui en dévie, alors que le rationnel nous renvoie à ce qui est le plus clair dans les productions de l’homme ou dans le réel -on peut ici évoquer que la figure du rationnel semblerait s’identifier ici avec la lumière du Bien, du suprêmement pensable et du plus connaissable, que Platon évoque à la fin du Livre 6 de La République . Le rationnel est pure raison alors que l’irrationnel est raison dévoyée ou, même, son autre.

II- En quoi le rapport qu’entretiennent entre eux le rationnel et l’irrationnel est un rapport de conflit

Le rapport entre le rationnel et l’irrationnel semble donc être d’opposition. Cette opposition semble se manifester sous la forme d’un antagonisme et d’une lutte que rien ne saurait arrêter. C’est-à-dire que nous sommes en présence de deux domaines exclusifs, ne pouvant par essence dialoguer ou communiquer (former une unité, etc.). Comme nous allons le voir, l’irrationnel humilie et menace la raison, et le rationnel exclut de soi l’irrationnel.

A- L’irrationnel humilie la raison

D’abord, l’irrationnel est un obstacle pour la raison, et limite son exercice ; et ce, autant dans le domaine de l’action que dans celui de la connaissance.

Voyons précisément ce qu’il en est dans le domaine de la connaissance. Si en effet l’irrationnel se définit comme la limite permanente à l’intelligibilité, son existence n’humilie-t-elle pas la raison au sens où celle-ci dès lors ne saurait rendre raison de tout? Cela ne signifie-t-il pas la faiblesse du rationnel, alors que communément on s’entend à dire que la raison est la faculté de discerner le vrai et le faux? C’est, littéralement, le domaine où la raison abdique, et doit, même, abdiquer si elle ne veut pas abandonner ses normes.

Ainsi Kant avait-il soin, dans sa Critique de la raison pure , de délimiter le domaine du rationnel, afin de pouvoir déterminer les limites qu’elle ne saurait franchir sans contrevenir à ses propres exigences, et à tomber ainsi dans le domaine de l’irrationnel. Ainsi la raison commet une sorte de suicide quand elle se met en tête de vouloir connaître le moi, le monde et Dieu. En effet, ce désir qu’elle a de saisir ce qu’il en est de l’absolu lui fait oublier, d’abord, qu’il y a des limites à ce qu’on peut savoir de la chose en soi ; et, surtout, ensuite, la raison commet alors l’erreur de méthode qui consiste à prendre le canon de l’entendement, qui ne fait que donner les règles de l’usage logique de l’entendement, et que Kant a défini dans l’Analytique transcendantale, pour un organon, c’est-à-dire, pour une extension des connaissances ; elle oublie par là que la pensée rationnelle consiste à appliquer les catégories (comme la causalité, la substance, etc.) à ce qui est objet d’expérience possible, ce qui est déterminable dans le temps et dans l’espace.

Mais le fait de dire que l’irrationnel humilie la raison et que la raison doit pour son salut, renoncer à rendre raison devant certains faits ou certaines questions (comme : pourquoi il y a un univers plutôt que rien), mène à terme à dire que ces faits sont accessibles à une autre faculté plus adaptée et plus puissante que la raison, bref, cela mène, ce qui était contraire à l’entreprise kantienne, à des dérives irrationalistes (dans un sens proche de ce qu’on entend par "mystique").

On se rappelle de Pascal recourant à la faculté du "coeur" pour pallier aux insuffisances de la raison à saisir les principes premiers du raisonnement, dans le fragment 110 des Pensées (Ed.Lafuma) ; et, plus proche de nous et postérieur à Kant, de Bergson, qui, par exemple, dans L’évolution créatrice , estimait saisir par la faculté de l’intuition, l’élan originaire du monde, son origine...

Retenons donc pour notre développement ultérieur qu’il faut se méfier de la thèse selon laquelle il faut que la raison se taise devant ce qu’on qualifie d’irrationnel, et renonce à chercher à rendre raison sous prétexte qu’il n’y aurait pas ici de réponse rationnelle possible. Pour le moment, nous devons bien reconnaître que le domaine de l’irrationnel apparaît bien au premier abord constituer une véritable expérience des limites de la raison, et être pour elle une entrave. Ne faudrait-il pas dire qu’il est la marque de la faiblesse de la raison elle-même?

B- Le rationnel exclut de soi l’irrationnel

De même que l’irrationnel est la limite que la raison ne saurait franchir, la raison elle-même semble exclure de soi l’irrationnel. Elle refuse de chercher à s’appliquer à son autre, car il est définitivement et par nature hors de sa portée et rebelle au sens.

Le fait que la raison exclut hors de soi l’irrationnel signifie bien que le rationnel et l’irrationnel sont deux domaines séparés, autonomes.

Ainsi Platon, notamment dans un passage du livre 4, 439b, de la République , exclut-il du domaine rationnel de l’âme, le domaine de l’irrationnel. Certains effets constatables ne peuvent sans contradiction être dus au principe rationnel de l’âme, il faut donc qu’ils soient dus à un autre principe en désaccord et en lutte avec le premier, et on le nomme irrationnel en tant qu’il est déviance par rapport à ce qui doit être le meilleur dans le comportement. Par exemple, pour rendre compte du comportement de quelqu’un qui en même temps a soif et s’interdit de boire, il faut dire, en vertu du principe de contradiction, qui stipule que deux effets contraires renvoient nécessairement à deux éléments distincts, qu’il y a conflit entre un principe qui commande de boire, et un autre qui le lui interdit. Il y a donc conflit entre le rationnel et l’irrationnel, et le premier est maître du second, ou doit en tout cas se l’assujettir. L’autre de la raison, l’irrationnel, est ici pensé sur le modèle de la disposition maladive, et comme une force qui nous fait littéralement perdre l’équilibre -que le principe rationnel est seul à même de rétablir et d’assurer. Ce n’est donc pas la raison qui tombe parfois dans une non observance de ses propres règles, et qui faillit, mais c’est le principe irrationnel qui l’emporte...

Si on a donc affaire à deux domaines séparés, on rencontre toutefois ici le problème de savoir s’ils sont vraiment autonomes. A dire vrai, ne faut-il pas admettre que le principe irrationnel empiète incessamment sur le principe rationnel, et que le principe rationnel est en lutte avec le principe irrationnel -qui, il faut le préciser, correspond chez Platon à l’affectif , au désir déréglé et incontrôlé parce que non informé par la raison, ou non spontanément accordé avec la raison-?

On est donc finalement porté à se demander si assigner des limites à la raison, ce n’est pas inviter trop hâtivement, comme nous l’avons évoqué, à démissionner devant ce qui demeure à portée de compréhension et de maîtrise. Et cela n’est-il pas une dénaturation même de la notion de rationnel que de dire qu’elle ne peut qu’être en conflit avec son autre, ou, que c’est ce qui l’empêche parfois d’être adéquate à soi-même, comme cela arrive dans certains comportements qu’on interprète comme tellement déviants par rapport à ce qu’on rapporte à la raison, qu’ils ne peuvent que se rapporter à un principe autre que la raison, mais co-existant de façon non pacifique avec celle-ci? N’est-ce pas oublier que la raison se définit comme l’unité la plus haute, comme pouvoir d’unification synthétique suprême, comme le dit notamment Kant dans l’Appendice à la Dialectique Transcendantale (op.cit.)?

III- Le rationnel et l’irrationnel n’entretiennent-ils pas plutôt un rapport dialectique, d’engendrement réciproque ?

Ainsi, le rapport entre le rationnel et l’irrationnel, centré initialement sur une opposition entre eux, se transforme progressivement en relation dynamique. Comme on a pu le voir implicitement, en effet, le rationnel et l’irrationnel ne s’appellent-ils pas l’un l’autre? Ne seraient-ils pas finalement en relation dialectique, si bien qu’ils formeraient une sorte d’unité ou au moins dialogueraient entre eux?

A- L’irrationnel comme moteur du rationnel

Ne peut-on en effet voir, finalement, à travers le texte de Platon, que le rationnel ne s’exprime finalement jamais aussi bien que quand il s’exerce sur une "matière", en l’occurrence, sur son autre? C’est là que le principe rationnel de l’âme humaine fait preuve de sa dignité, et se manifeste.

L’irrationnel est donc à penser sur le modèle hégélien du "travail du négatif": il se révèle en effet comme étant le moteur du rationnel. Il faut à celui-ci des résistances, afin de pouvoir s’exercer ; ces obstacles sont les données mêmes sur lesquelles sa vertu s’exerce, ce qui lui permet de sortir de soi et de dire qu’on n’a pas affaire à une rationalité morte. Le rationnel, pour reprendre les mots de Hegel, ne se réalise qu’en s’opposant. Pour progresser, rien ne vaut d’avoir des opposants énergiques! Ainsi on peut dire que même l’irrationnel comme "limite permanente à l’intelligibilité", celui donc qui avant tout a rapport aux sciences (on pourrait le nommer "irrationnel épistémologique"), est ce sans quoi le rationnel ne saurait être conforme à lui-même, ou, ce sans quoi il serait condamné à tomber dans l’inertie et à devenir quelque chose comme une tradition ou un préjugé. Il semble en ce sens que l’irrationnel soit finalement la raison d’être du rationnel, le principe de possibilité du rationnel.

L’attitude préconisant de renoncer à rendre raison devant certaines manifestations appelées dès lors irrationnelles, revient à empêcher la raison de progresser ; on est donc amené ici à répondre à Pascal qu’il est faux de dire qu’il "n’y a rien de si conforme à la raison que son désaveu", comme il le disait dans le Fragment 182 (op.cit.). En effet, on peut constater à travers l’histoire des sciences que la présence de l’irrationnel est bien ce qui a permis à la raison de changer ses méthodes, ce qui veut dire pour elle, à être effective, puisque l’on sait que depuis Parménide, la raison se définit comme une puissance dialectique, comme une non adhérence à soi, une non-accoutumance.

B- Il n’y a pas de rationnel en soi

Ainsi il semble bien s’imposer que le rationnel n’existerait pas, sans l’irrationnel. Ce qui signifie, évidemment, qu’il ne saurait y avoir de "rationnel en soi", immuable, identique à soi, n’ayant besoin de rien d’autre que lui pour exister, pour reprendre la définition spinoziste de Dieu qui figure dans la première partie de l’ Ethique .

Nous ne faisons ici que reprendre le constat qui s’impose devant la physique contemporaine, à savoir, que le rationnel a perdu son privilège absolu, et dialogue avec son autre, ou avec l’irrationnel. La raison a du changer ses méthodes face à des phénomènes comme le chaos, le complexe, le probable ; alors que si on avait décrété que, ayant à faire ici avec de l’inintelligible, de l’irrationnel, il n’était pas du devoir de la raison de s’en occuper, on n’aurait pas progressé d’un pas devant certains traits fondamentaux du réel qui étaient profondément voilés par une raison sacrifiant tout à son idéal de simplicité.

La raison n’est pas, loin s’en faut, un instrument tout construit, et il faut donc avoir l’audace, même si pendant un certain temps la raison se voit en crise, ou en déséquilibre, comme on peut le voir aujourd’hui, de s’affronter directement à ce qui semble rebelle au sens, en se disant : et pourquoi ne serait-ce pas à elle de se plier à ce qui se présente comme irrationnel? Pourquoi ne devrait-elle pas chercher à s’y adapter? Et si elle changeait ses méthodes?

Dès lors, on le voit, la question de savoir ce qui constitue une réponse rationnelle ou une méthode rationnelle de résoudre des problèmes, change constamment, et nous projette dans l’historicité. L’idéal rationnel change au cours de l’histoire : on sait bien par exemple que la révolution galiléo-newtonienne a profondément transformé l’idéal rationnel aristotélicien! La raison n’a donc vraiment pas à abdiquer devant l’irrationnel : elle doit dialoguer avec lui et se développer à son contact. Plutôt que de s’en tenir aux normes classiques et déclarer irrationnel tout ce qui s’y révèle contraire, il faut adapter la raison à ces nouveaux faits ; ainsi s’explique que ce qui aurait été considéré comme un scandale par les rationalistes classiques, n’est plus du tout aujourd’hui considéré comme irrationnel, mais au contraire comme le summum de la raison : à savoir, cette raison accepte comme explications rationnelles des modèles explicatifs comportant des éléments de pure fiction, des structures multiples, des enchaînements moins déterminés (c’est le règne de ce qu’on appelle la "pensée complexe").

C- Il n’y a pas non plus d’irrationnel en soi ; les notions de rationnel et d’irrationnel sont donc relatives (et relatives l’une à l’autre)

Bien entendu, s’il n’y a plus de rationnel en soi, il convient de dire que réciproquement, il n’y a pas d’irrationnel en soi. Nous sommes donc en présence de deux notions relatives, et relatives l’une à l’autre. Si le rationnel prend en compte, incessamment, l’irrationnel pour améliorer ses méthodes et progresser, alors cela implique évidemment que les "limites" de l’irrationnel sont sans cesse amoindries. L’irrationnel d’hier est le rationnel d’aujourd’hui, et réciproquement, le rationnel d’hier est peut-être, aujourd’hui, irrationnel.

Ce qui signifie que ce à quoi on mesure la conformité ou non à la raison n’est jamais que la raison de son temps, qu’on a tendance à objectiver (c’est-à-dire qu’on a tendance à s’abandonner à l’illusion de croire que toute la raison, ou le rationnel, s’identifie avec la raison devenue, ou avec une certaine forme de la raison).

On peut prendre comme exemple, pour le premier cas, la méthode scientifique des péripatéticiens, qui n’était qu’une synthèse en même temps subtile et vague des données du sens commun ou des impressions premières, car purement spéculative et s’appuyant sur les évidences immédiates, qui pour les Anciens, représentait l’idéal rationnel, complètement irrationnel pour nos savants et philosophes contemporains.

Pour le second cas, on peut dire par exemple que pour Kant il était irrationnel de faire des recherches cosmologiques, ce qui aujourd’hui constitue pourtant un domaine scientifique (notamment Einstein estime avoir rendu rationnel le problème de savoir quelle est l’origine de l’univers).

Ainsi s’il est irrationnel, aujourd’hui, de recourir à des "facultés" ou encore à des " causes finales " pour expliquer l’origine d’un phénomène, nous n’avons pas le droit de dire que ça l’est "absolument" : car il ne faut jamais oublier que quelque chose n’est rationnel ou irrationnel qu’eu égard aux circonstances historiques.

Dès lors, y a t-il même lieu de parler d’irrationnel? Le rationnel devenu soi disant irrationnel, n’est quand même pas une absence totale de la raison?

Comme le dit bien A. Petit dans son article sur La Rationalité (in Les notions de philosophie , Folio Essais), ne confond-on pas bien souvent l’irrationnel avec ce qui n’est que du rationnel inexercé, ou plutôt, ne se sachant pas, n’étant pas encore "devenu", transformé, ou conscient de soi?

Pour prendre un exemple, nous pouvons évoquer ici le changement d’attitude qui caractérise la pensée contemporaine par rapport aux attitudes dites "primitives". On disait au début de ce siècle encore, que les primitifs n’avaient qu’une pensée mythique ou magique, et ne faisaient pas preuve du tout de ce qui caractérise la raison, et les normes fondamentales de celle-ci. On a pu parler de pensée "participative", qui romprait totalement avec le principe de contradiction. On a dit que la "pensée sauvage", pour reprendre le titre d’un ouvrage de Levi Strauss, était donc exclusive de la raison : elle est irrationnelle. Or, selon cet auteur, il est erroné de croire que ce qu’on appelle bien péjorativement les primitifs pensent ou ont une attitude exclusive de toute rationalité, puisqu’ils ont bien une logique, mais celle-ci n’est pas reconnue pour ce qu’elle est, et est concrète ; et, de plus, ils connaissent bien plus profondément le réel que nous, et cette manière de penser ou de connaître le réel a des effets tout aussi efficace que la nôtre.

Comment expliquer l’erreur d’interprétation de la pensée sauvage? Tout simplement en disant que ce qu’on prend pour de l’irrationnel n’est bien souvent, comme on l’a dit ci-dessus avec A. Petit, que de l’irrationnel inexercé. En l’occurrence, ici, on croit ne pas avoir affaire à la raison tout simplement parce qu’on n’y constate pas ce qui manifeste au plus haut degré, pour nous, le rationnel : à savoir, l’abstraction, la logique déductive, etc.

Nous disposons donc maintenant d’un critère plus conforme à la nature de la raison, pour discerner quand nous sommes vraiment en présence de l’irrationnel (et, tout aussi bien, du rationnel). Ou, plutôt, ce critère nous permet de voir qu’en général, l’irrationnel ne l’est pas tant que ça, et de même peut-être pour le rationnel. Les frontières de l’un et de l’autre sont vouées à se transformer sans cesse. Celles du rationnel, car il n’est pas conforme à sa nature qu’il ne s’adapte pas, celles de l’irrationnel, car son domaine est évidemment dépendant de ce qu’on estime être rationnel, d’abord, et, ensuite, parce qu’il semble qu’il renvoie ultimement à la rationalité implicite qu’il habite -ne serait-ce déjà que du fait que l’irrationnel ne s’applique qu’à un être rationnel, comme Aristote le montrait dans le Livre 1, chapitre 13, de l’ Ethique à Nicomaque .

Il faut prendre comme modèle pour le rationnel quelque chose de plus souple et de plus adapté à ce qui est conforme à la raison ; il nous semble que le critère que donne A. Petit (op.cit.) à savoir, que le rationnel est un continuum, dans lequel il y a des degrés, allant du minima qui se trouve par exemple dans les comportements acratiques, et dans les mythes ou la magie, au maximum, qui se trouve dans les oeuvres mathématiques et logiques, c’est-à-dire, les plus abstraites.

Selon ce critère, il se révèle que même l’affectif se révèle être rangé dans le domaine du rationnel : on a ici affaire à du rationnel implicite.

En effet, que ce soit dans le comportement acratique décrit par Aristote (cf.supra), qui semble être une victoire de l’affectif sur le rationnel, ou dans l’affectif platonicien, siège des désirs "déréglés", qu’on peut exemplifier par l’hédonisme callicléen de son dialogue intitulé le Gorgias , il n’est pas si évident de dire qu’on est ici en présence de l’irrationnel.

En effet, à l’analyse, ces comportements se révèlent ne pas être exclusifs de la rationalité : nous n’avons pas d’abdication de la raison.

Dans le premier cas, en effet, il convient de dire que les acratiques délibèrent, même s’ils ne persistent pas dans leur décision ; de plus, on peut comprendre ce qui se passe dans un tel comportement, à savoir, qu’il y a inadéquation entre une prémisse universelle et un cas particulier. Il y a donc bien présence d’une forme de rationalité, en l’occurrence, d’une rationalité instrumentale ou calculatrice, ce qui ne nous donne pas le droit de qualifier ce comportement d’irrationnel. Si on peut à la limite le dire tel, ce sera seulement en tant qu’il y a perte d’exactitude dûe à la contingence, ou à l’application de la raison au devenir ; bref, cela signifie seulement que nous ne sommes pas pure rationalité (et que le rationnel à l’état pur n’est peut-être qu’une idée, au sens kantien d’un concept auquel ne correspond nulle intuition).

Quant au second cas, où l’affectif s’affirme nettement comme étant exclusif de toute rationalité, il faut dire que, d’abord, il y a bien ici aussi présence d’une forme de rationalité, à savoir, instrumentale, et surtout, il faut dire que l’affectif n’est rendu possible que par référence à la raison comme fin dernière. En effet, comme le montre bien Socrate (op.cit.) sans référence à une rationalité suprême, qui est la fin commune englobant toutes les fins particulières, qui sont ici les désirs en nombre illimité, il n’y aurait pas réalisation possible de ces désirs et l’hédonisme callicléen, qui se donne pour but de satisfaire tous ces désirs, serait impossible.

Finalement, on peut donc voir que si les concepts de rationnel et d’irrationnel se repoussent l’un l’autre, ils sont également en unité et forment un couple. Ces deux idées s’impliquent l’une l’autre. Le rationnel exige l’irrationnel sans lequel il ne serait rien, et l’irrationnel renvoie irréductiblement, ou implicitement, au rationnel... Si on ne peut nier que les résistances à la rationalité existent, ce n’est toutefois en dernière analyse que du rationnel inexercé, ne coïncidant pas avec soi.

Nous pouvons donc dire que l’analyse des rapports qu’entretiennent entre eux le rationnel et l’irrationnel nous a permis de voir quelle définition correcte du rationnel, ou de la raison, on devait accepter : c’est celle d’une raison devenant et se faisant en, ou grâce, à son autre. Et, puisque la raison n’est pas muable, alors, le rationnel et l’irrationnel ne sont pas définitifs. On voit donc toute la difficulté initiale, pour envisager les rapports du rationnel et de l’irrationnel, qu’impliquait le fait de définir le rationnel comme conforme à la raison et à ses normes. Tout ce qu’on est en droit de dire, c’est qu’il y a, plutôt que des normes, des exigences -on échappe ainsi au fixisme qui se cache derrière le mot de "norme". Le rationnel n’est pas identique à soi, il prend donc plusieurs formes à travers l’histoire. Pour lui, le crime suprême serait de confondre, avons-nous vu, une objectivation de lui-même à un moment donné, avec toute la raison, ou avec l’idéal de la raison, bref, de le prendre pour ce qui est rationnel. Car alors elle fait preuve d’une attitude non critique qui la fait exclure de soi des oeuvres relevant bien du rationnel, mais d’un rationnel s’exprimant sous une autre forme. On invitera donc la raison à respecter sans cesse ses exigences et à faire preuve d’esprit critique face à ce que trop rapidement nous apparaît comme de l’irrationnel, et, bien sûr, de ne pas s’abîmer devant le danger le plus risqué pour son existence, à savoir, celui de se fossiliser, et de disparaître...

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La foi religieuse exclut-elle tout recours à la raison ?

Corrigé fait par l'élève. De bonnes idées et références même si les transitions et certains points d'argumentation sont à revoir (notamment pour la conclusion).

Kierkegaard (philosophe danois) pense que c’est la foi, plus que la raison, qui est essentielle. Pascal lui ne voyait d’entrée en religion que par une humiliation de la raison : « c’est le cœur qui sent Dieu et non la raison ». On connaît aussi la formule de Kant dans la Critique de la raison pure : « j’ai du abolir le savoir pour lui substituer la croyance ». Mais faut-il nécessairement paralyser la raison pour justifier la démarche de la foi religieuse ? Nier la raison, c’est justifier aussi le fanatisme, ce qui est socialement impossible. Il n’est pas nécessaire de concevoir une opposition aussi radicale entre raison et religion. Personne ne peut accepter de remettre son esprit à l’arbitraire. Il faut bien que l’intelligence ait part à l’acte de la foi et que la religion garde un sens aux yeux de la raison. De ce point de vue, la foi religieuse exclut-elle tout recours à la raison ?

I. Foi et raison s'opposent par leur mode de pensée

La foi et la raison sont deux modes de pensée totalement antagoniste. « Qu'est-ce que la foi ? C'est de croire fermement ce que l'on ne comprend pas. » (Marie du Deffand). Ici, nous nous limiterons à la foi religieuse. La religion permet de justifier l’inexplicable pour l’homme et le système logique grâce aux croyances. Par exemple, la Bible explique le commencement de la terre, ce qu'il y a après la mort… La foi religieuse c’est croire en un ou plusieurs êtres suprêmes sans émettre un seul doute. L’ignorance inquiète l’homme, surtout ce qu'il y a après la mort. De ce fait, croire en une religion est rassurant pour ce dernier. Cela est relaté dans l’épitre : « La foi est une ferme assurance des choses qu’on espère, une démonstration de celles qu’on ne voit pas. ». Aussi, dans le sens profane, le mot veut dire confiance. Or quand on a confiance en une personne, c’est qu’on est rassuré auprès d’elle. Enfin, la foi religieuse permet à l’homme de continuer à vivre, car si on ne croit en rien, on a plus lieu d’exister. Comme le dit Robert Hossein : « Il faut croire en Dieu pour avoir foi dans les hommes. ».

La raison, elle est une manière de penser précise et non personnelle. Nous considérerons le mot raison dans le sens philosophique. Nous lui donnerons comme synonyme : l’entendement, la logique, l’intelligence, la compréhension…ou comme le dit Descartes « le bon sens ». Cette faculté de l’esprit humain a différent emplois : scientifique, technique et éthique. La raison, c’est le pouvoir de bien juger, c’est-à-dire de distinguer le bien du mal et le vrai du faux grâce a des critères de vérité et d’erreur. Comme le dit Antoine Gombaud, chevalier de Méré dans Maximes, sentences et réflexions morales et politiques : « C'est la raison qui persuade les vertus, comme la foi établit la religion, et la loi le devoir ». De plus selon Leibniz ," Rien n'arrive sans qu'il soit possible à celui qui connaîtrait assez les choses de rendre une raison qui suffise pour déterminer pourquoi il en est ainsi et non autrement. " ( Principes de la nature et de la grâce ). Ce qui nous ramène à dire que le principe de raison, c’est que tout est intelligible. Donc tout ce qui est, a sa raison d'être, tout est réel, tout est rationnel; tout a sa raison suffisante. Leibniz dit aussi que " Jamais rien n'arrive sans qu'il y ait une cause ou du moins une raison déterminante qui puisse rendre raison a priori pourquoi cela est existant plutôt que non existant et pourquoi cela est ainsi plutôt que de toute autre façon » ( Théodicée ). La raison est donc suffisante à elle-même car elle réunit la causalité et la finalité. Nous pouvons ajouter que le mot raison vient du latin ratio, traduction problématique du concept grec de logos. Le mot grec et le mot latin signifie parole, discours, théorie, raison …Mais logos est aussi un nom donné à Dieu (L'évangile de Jean dit " Au commencement était le logos "). Donc nous pouvons nous demander si il n’y a pas un lien entre la raison et la foi religieuse.

II. Foi et religion s'opposent sur leur raison d'être

La foi religieuse exclut tout recours à la raison. Par exemple, faire usage de sa raison, c’est tourner le dos à la croyance. La religion est totalement à part de la raison, car ceux sont deux conceptions qui s’opposent. La science et la religion n'abordent pas les mêmes questions : La science décrit les phénomènes, les mécanismes, les principes auxquels nous sommes soumis, en un mot le " comment " de notre existence. La foi, de son coté, s'intéresse aux questions existentielles concernant le sens de notre vie ici-bas et dans l'au-delà, l'existence de Dieu, notre relation avec Lui, en un mot le " pourquoi " de notre existence. Ceci est transcrit dans l’Épitre : « La science et la religion vivent sur deux planètes différentes. L’une appartient à la raison; et pour l'autre, c'est le sentiment... »

La foi religieuse est une confiance absolue qu’on accorde à Dieu, même lorsque la raison n’y saurait donner quelconque appui. Comme le dit Pascal : « le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point » ou encore Nietzsche : « Quand on a la foi on peut se passer de la vérité. » Or le cœur est le moyen de croire dans la foi religieuse. Aussi, d’après Kierkegaard, la foi est une confiance au delà de ce que la raison peut calculer ou démontrer, a la limite de l’absurde. Benjamin Franklin, nous le dit « le moyen de voir par la foi, c’est de fermer les yeux a la raison »Nous pouvons donc penser comme Blaise Pascal que « C’est le cœur qui sent Dieu, et non la raison. Voilà ce que c’est que la foi : Dieu sensible au cœur, non à la raison. ».

Mais est ce que la foi religieuse et la raison ne sont pas étroitement liées ?

III. La foi religieuse et la raison sont néanmoins complémentaires

La foi religieuse et la raison même, si elles sont parfois opposées, sont souvent réunies. Il y a des fois des possibilités de recours à la raison par la foi. Ceci nous est illustré dans l’exemple des anciens érudits latins. A l’époque latine, les religieux étaient les scientifiques, et la science reliée obligatoirement à la religion. Ou encore, au moyen âge, les mouvements intellectuels et les universités sont entre-tissés avec la vie de l'Église. Les universités sont tenues par des religieux et les penseurs sont aussi théologiens (voir scolastique 1228-1274). Mais encore, pour ce qui est de la vie intellectuelle, n'oublions pas que l'accès au savoir repose sur les lieux d'enseignements et sur les livres recopiés par les clercs. La religion et la foi sont aussi liées par le fait qu’elles ont le même but expliquer le monde. Comme le disait Jean-Paul II : « La foi et la raison sont comme deux ailes qui permettent à l'esprit humain de s'élever vers la contemplation de la vérité. » ( Fides et ratio, 14 septembre 1998 ).

S'il n'y aurait qu’un seul mode de pensée, c’est-à-dire qu’on penserait que par la religion ou que par la raison on irait à des extrêmes inimaginables. Comme le dit Martin Luther King : Il peut y avoir des conflits entre hommes de religion à l'esprit fragile et hommes de science à l'esprit ferme, mais non point entre science et religion. Leurs mondes respectifs sont distincts et leurs méthodes différentes. La science recherche, la religion interprète. La science donne à l'homme une connaissance qui est puissance ; la religion donne à l'homme une sagesse qui est contrôle. La science s'occupe des faits, la religion s'occupe des valeurs. Ce ne sont pas deux rivales. Elles sont complémentaires. La science empêche la religion de sombrer dans l'irrationalisme impotent et l'obscurantisme paralysant. La religion retient la science de s'embourber dans le matérialisme suranné et le nihilisme moral.

La religion est la raison sont liées car l’une ne peut exister sans l’autre. Samuel Butler le dit dans Extrait de Carnets : « La foi n'est pas une fonction, car en dernière analyse, elle repose sur la raison. La raison n'est pas une fondation, car elle repose sur la foi ». Aussi si il n’y aurait pas la raison nous n’avions pas adhéré à la religion. Spinoza, nous le démontre dans le Traité théologico-politique :" Que si la Raison, en dépit de ses réclamations contre l'Ecriture, doit cependant lui être entièrement soumise, je le demande, devons nous faire cette soumission parce que nous avons une raison, ou sans raison et en aveugle ? Si c'est sans raison, nous agissons comme des insensés et sans jugement; si c'est avec une raison, c'est donc par le seul, et donc si elle contredisait à la raison, nous n'y adhérerions commandement de la raison que nous adhérons pas à l'écriture ." La foi religieuse est donc très liées a la raison, et donc la foi religieuse n’exclut pas tout recours à la religion.

La foi religieuse ne peut exclure la raison, car sans la raison elle n’existerait pas. Mais elle réclame le fait que se sont deux conceptions différentes : l’une fonctionne par la vérité, l’autre grâce aux sentiments. Aussi, pouvons-nous nous demander si la raison peut exister sans la foi religieuse ? Selon moi, non ; car la première cause de tout, la cause absolue est unique et c’est dieu. Comme le dit Saint-Augustin (l’un des pères de l’Eglise) : « credo ut intelligam » (« je crois pour comprendre »)

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Mythe et raison. Propos contemporains

sem-link

  • Référence bibliographique

Fontaine-De Visscher Luce. Mythe et raison. Propos contemporains. In: Revue Philosophique de Louvain . Quatrième série, tome 88, n°80, 1990. pp. 553-580.

DOI : 10.2143/RPL.88.4.556113

www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_1990_num_88_80_6652

  • RIS (ProCite, Endnote, ...)

Résumé (fre)

Le problème des rapports de la raison et du mythe offre un exemple particulièrement remarquable de l'inévitable débat entre sciences humaines et philosophie. L'auteur prend le risque d'expliciter l'a priori philosophique inexprimé des travaux de deux hellénistes à peu près contemporains de Heidegger, Walter Otto et Jean-Pierre Vernant. On trouverait chez le premier un parallélisme étonnant avec la «répétition» heideggerienne des pré-socratiques. Chez le second par contre, malgré sa lumineuse théorie d'une mutation de la pensée, qui a fait basculer le célèbre «miracle grec» (théorie de Burnet), on décèlerait encore une certaine rémanence de la dialectique hégélienne de la conquête de l'esprit sur l'opacité de l'imagination mythique. Cependant, une lecture récente des travaux de Vernant par Jacques Derrida ferait émerger chez l'helléniste une notion de proto-rationalité, qui le rapprocherait des vues heideggeriennes.

On voit comment les phénomènes de culture comme objets d'explication scientifique sont indissociables de la réflexion sur leurs conditions de possibilité. Tous les langages se recoupent; aucun ne jouit d'un privilège d'extériorité absolue.

Résumé (eng)

The problem of the relationship of reason to myth offers a particularly remarkable example of the inevitable debate between the humane sciences and philosophy. The author has taken the risk of explicitating the unexpressed philosophical a priori in the works of Walter Otto and Jean-Pierre Vernant, two Hellenists who were approximately contemporaries of Heidegger. In the former a remarkable parallel to Heidegger's «repetition» of the Presocratics is found. In the latter, however, in spite of his illuminating theory of a mutation in thought, which shook the famous «Greek miracle» (Burnet's theory), a degree of retentivity of Hegel's dialectic of the conquest of the spirit over the opaqueness of mythical imagination may still be found. However, a recent interpretation of Vernant's works by Jacques Derrida brings to light in them a notion of proto-rationality, which brings the Hellenist closer to Heidegger's views.

It is seen how cultural phenomena as objects of scientific explanation are indissociable from the thought on the conditions that make them possible. All languages overlap and none enjoys a privileged position of absolute exteriority. (Transl. by J. Dudley).

  • La voie vers la métaphysique [link]
  • Le logos comme commencement [link]
  • Le logos comme poème [link]
  • Vernant versus Heidegger [link]
  • III. J.-P. Vernant lu par J. Derrida [link]

Texte intégral

Mythe et raison

Propos contemporains

Depuis l'ébranlement de la rationalité annoncé par Kant et si hautement proclamé chez Nietzsche, les rapports du mythe et de la raison n'ont cessé de susciter des questions obsédantes, parfois angoissantes aux philosophes, questions que les historiens remettent constamment au jour par leurs recherches. La prise de conscience de l'historicité de la raison est devenue irréversible. Avec le développement des sciences humaines, le dialogue ne peut plus être esquivé: la fracture de la raison pose le problème lancinant de son unité. Ce sont quelques aspects de cette réflexion contemporaine que nous voudrions illustrer, sans prétendre à plus qu'à articuler quelques questions.

Nous proposons trois parties dans cet exposé: la première, que nous intitulons «La fable de la mythologie», vise à montrer d'entrée de jeu l'imbrication du mythe et de la raison, que met au jour la répétition heideggerienne de la métaphysique. Dans une seconde partie, nous repassons la parole aux sciences humaines, parmi lesquelles nous avons choisi, à titre représentatif, les recherches si compétentes de J.-P. Vernant, dont Heidegger n'avait pas ignoré les prédécesseurs. Enfin une troisième et très brève partie, partant d'une adresse récente de J. Derrida à J.-P. Vernant, nous permettra de relancer la question philosophique: que voulons-nous dire quand nous parlons de la «raison»? Cette même question que Heidegger a formulée dans le titre de son œuvre: Was heisst Denkerù (Qu'appelle la pensée?) qui permet au verbe heissen de jouer sur son ambiguïté.

I. La fable de la mythologie

Commençons par interroger la mythologie. Que dit la mythologie? De quelle parole s'agit-il dans la mythologie, qui est le dit, le logos du muthos, lui-même parole? C'est à dessein que nous montrons cette

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curieuse redondance, car elle recouvre précisément le rapport que nous voulons éclaircir, l'imbrication originaire, peut-être indépassable de muthos-logos. Comment défaire ou, tout au moins, détendre ce noeud? Y a-t-il un moyen de percevoir en relief cette accumulation de «redites»? Faire parler le mythe, puisqu'il est parole, c'est rechercher ses «raisons»; ce que nous appelons la raison doit donc avoir affaire à lui d'une certaine manière, elle doit s'apparenter à lui, avoir avec lui quelque chose en commun.

On connaît la démarche heideggerrienne de la «répétition»: interrogation du logos, remontée vers ses racines de possibilité, en un retrait, non pas historique, mais essentiel, en deçà des concepts métaphysico- scientifiques de notre culture occidentale.

J. Beaufret rappelle avec beaucoup de pertinence une des sources qui ont éveillé et alimenté ce questionnement 1 : il s'agit de W. Otto, qui était l'un de ceux que «Heidegger considérait comme les meilleurs dans l'université allemande». C'est ainsi qu'en 1936, il recommandait avec insistance à ses étudiants l'ouvrage de l'helléniste, Les dieux de la Grèce, paru en 1929, ainsi qu'un écrit, Logos, destiné à son éméritat. Les dieux de la Grèce n'ont été traduits qu'en 1981 en français2, et c'est regrettable, car l'œuvre est extrêmement révélatrice par son mode de cheminement «à rebours», nous entraînant inlassablement vers ce qui a dû précéder la métaphysique, pour engendrer le principe de causalité et toute la culture scientifique qui en est issue. Heidegger trouvait chez lui une approche de la pensée religieuse totalement différente de toutes celles qui faisaient appel au «primitivisme» de la pensée archaïque, comme balbutiements, ébauche de la «grande» philosophie grecque. Or, pour W. Otto, la pensée archaïque est l'essence monumentale de la rationalité, qui l'a recouverte, elle est son originalité inépuisable, c'est elle qui serait la source de notre culture, par-delà les avatars que Heidegger dénonce tout au long de son œuvre.

On a déjà dit beaucoup de choses sur les influences qui ont agi sur le jeune Heidegger; et avec raison, car toute pensée, quelles que soient ses dimensions et son originalité, s'inscrit toujours dans une histoire.

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Dès lors, il peut être intéressant d'y joindre quelques aspects de cet hellénisme qui régnait à l'époque du jeune professeur Heidegger, hellénisme redevable de l'idéalisme allemand qui avait prôné le retour aux Grecs.

L'ouvrage de W. Otto, Les dieux de la Grèce, a dû venir à la rencontre des préoccupations de Heidegger lorsqu'il interrogeait la philosophie occidentale sur la raison, le logos dont elle se réclame. L'ouvrage est présenté dans son édition française par M. Détienne. Sa préface nous présente l'auteur, non seulement comme un dissident déclaré du nazisme3, mais aussi et surtout, comme un savant profondément original qui, tout en partant de Hegel, annonce des vues sur la religion grecque en opposition totale avec le courant evolutionniste de Willamovitz. La religion grecque archaïque se présentait alors comme issue d'un besoin de croyance dans la transcendance et dans le salut qui doit découler d'une relation personnelle avec le dieu; bref une préparation lointaine de la culture chrétienne. A l'époque de W. Otto, le haut savoir de Willamovitz était encore incontesté et donnait l'impression rassurante de familiarité et de proximité avec le monde grec.

Pour W. Otto, c'est là une énorme illusion d'optique. Il importe au contraire de redécouvrir toute la distance qui nous sépare du monde grec si nous voulons en pénétrer l'esprit, nous approcher d'une vision de la divinité qui était la leur. Il lit Hegel avec une sorte d'acuité qui découvre l'ambiguïté qui se cache sous la Phénoménologie. Dans le sous-titre de son ouvrage, W. Otto ne se compromet pas : « La figure du divin au miroir de l'esprit grec». Mais il montre comment Hegel a vu juste en récusant le Sujet dans l'esprit grec, même s'il considère qu'il s'agit là d'une imperfection, d'une cécité. Ce qu'il faut considérer, à l'inverse de Hegel, c'est que le christianisme est l'écran qui nous sépare des Grecs, dont nous avons seulement hérité la notion d'idéal et de transcendance, ainsi que la doctrine du salut, véhiculée par une tradition platonicienne prolongée.

L'auteur nous montre que pour le Grec, le dieu n'est pas transcendant, sa divinité réside dans sa présence dans le monde qui nous entoure. Si les dieux sont éternels, ils n'en sont pas moins vivants et vivants parmi les hommes. La religion n'est pas d'abord une pratique efficace, magique, mais un regard qui reconnaît dans la «nature» même

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la présence agissante du dieu. Le monde homérique est d'ailleurs l'image exacte de cette vision — théôria — de la divinité dans les formes qu'elle prend dans la nature, vision qui précède le rite ou le sacrifice. Ce que le Grec a d'abord considéré comme «idéal», c'est la forme en tant que belle4, qui se donne à voir. Hegel ne s'y était pas trompé; mais héritier du christianisme, la forme sensible lui est aussitôt apparue comme le voile obscurcissant dont l'esprit a dû peu à peu se défaire pour parvenir à la conscience de soi dans la modernité. Les Grecs eux vivaient dans l'innocente clairvoyance des dieux, lorsque leur présence était sensible, lorsque le sensible rayonnait d'être habité par eux. Mais les dieux se sont enfuis, comme l'a chanté Hôlderlin. L'homme moderne construisit une méta-physique, posant l'idée au-delà du perçu.

Dans la Grèce archaïque — celle où Heidegger verra le reflet d'un «grand commencement» de la pensée — c'est la nature qui est divine, et rien n'est à chercher au-delà du monde qui nous entoure et de l'homme qui l'habite. Même les morts, comme nous verrons dans les études de J.-P. Vernant, sont exclus de ce monde de la présence.

Le dieu apparaît dans Homère au moment où il surgit dans sa forme parfaite à l'issue d'un combat toujours renouvelé contre le Chaos des forces infernales, il se révèle à l'éclat de cette incessante victoire. O. Walter nous présente leur assemblée, une sorte de sélection des «stars»: Athéna, Apollon, Artémis, Héra, Hermès. Quoiqu'ils dominent le monde des hommes, et qu'ils leur soient infiniment supérieurs par leurs pouvoirs, ils n'en constituent pas moins pour l'homme son milieu naturel: ils y interviennent dans une sorte de jeu de cache-cache, qui explique que les malheurs des hommes et leurs erreurs soient à tout instant possibles, échappant d'ailleurs à leur responsabilité personnelle. Ce que Freud redécouvrit des siècles plus tard.

W. Otto nous invite à une conversion vers ces dieux oubliés, qui représentaient la victoire de l'élément apollinien sur le dionysiaque, aperçu par Nietzsche. Mais le retour à la présence nous reconduit surtout vers Heidegger: qu'a-t-il trouvé dans la lecture des Dieux de la Grècel

L'auteur nous emmène dans le Panthéon, où nous devrions reconnaître les dieux dans la familiarité avec la nature, telle qu'elle apparaît dans Homère.

Le plus frappant chez Homère, c'est le caractère éminemment

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vivant des dieux. Loin d'être des abstractions, comme ils le deviendront par la suite, ils constituent la trame même de la vie des hommes, ils accompagnent l'homme en tout et à tout moment: dans le cycle des jours et des nuits, dans celui des générations, au moment du combat et durant la paix, dans la direction de la cité et des affaires, dans l'art et la technique. Totalement supérieurs, ils demeurent néanmoins familiers, dans le sens où nous parlons aujourd'hui de ce qui est «tout naturel». S'il nous est si difficile actuellement de penser la «nature» à la manière des Grecs, c'est parce que depuis trop longtemps déjà, nous avons opposé nature et surnature, nature et artifice, naturel et conventionnel.

Arrêtons-nous à quelques-unes de ces divinités dont Homère a peuplé sous de multiples formes son épopée, afin d'illustrer ce que W. Otto considère comme la manière proprement grecque de penser le divin.

La toute première, la plus présente d'abord: Athéna. Masculine dans sa féminité, surgie, adulte, non d'un sein maternel, mais du cerveau de Zeus. Déesse de la guerre — armée dès sa naissance, — elle incarne pourtant la Raison, la sagesse de l'Olympe. Car elle organise et soutient, au moment opportun par ses inspirations, le juste combat, celui qui rétablit l'ordre et la paix. En elle les forces obscures et sans visage du monde infernal sont à toute occasion subjuguées. De plus — et c'est ici que le caractère éminemment concret de la pensée épique se manifeste — Homère dépeint la raison féminine sous l'aspect intuitif qui lui est spécifique, dans la manière dont elle pousse à l'action juste au moment favorable. Grâce à Athéna, toujours présente au moment où il le faut, au chairos, la lumière de la Raison habite le monde des hommes; c'est pourquoi Athéna est la patronne protectrice de la cité. De plus, sa pureté virginale lui assure la sagesse.

Mais c'est en Apollon que se manifeste la lumière elle-même, triomphe de la Raison, victorieuse dans le combat contre les Géants. Arrivé à Delphes de sa terre natale, la Crète, Apollon renouvelle chaque année sa victoire sur les anciens dieux du monde d'en-bas, sur Dionysos qui incarne dans ses transports déchaînés et aveugles cette vitalité souterraine. Dionysos est en quelque sorte le partenaire d'Apollon, celui qui lui permet d'assurer son règne. Apollon est un dieu lointain, artisan de la puissance raisonnable et inspirateur de tous les arts. C'est grâce à lui que les hommes acquièrent la connaissance des principes qui règlent la création musicale, la danse, la poésie, les mathématiques.

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Grâce à lui, la nature se fait parole, logos, que l'homme peut déchiffrer et à laquelle il peut répondre. La suprématie hautaine d'Apollon est comme le pendant de l'action immédiate d'Athéna, la toute proche, manifestant la rationalité dans l'occasion concrète.

Artémis, la sœur d'Apollon, partage avec lui la pureté intacte de la nature virginale qu'elle protège jalousement. Elle parcourt la forêt dans son mystère; chasseresse, elle tue, mais en même temps, elle protège amoureusement les couvées. Elle incarne le cycle parfait de la vie et de la mort, porteuse de vie.

Cependant l'éclat et la beauté du monde, c'est Aphrodite. Sortie du miroitement de la mer, elle pare toute chose de l'attrait qui allume l'amour. Originaire d'Orient comme déesse de la fécondité élémentaire, elle se transforme chez les Grecs, où l'attrait qu'elle crée se sublime jusqu'à l'enchantement de l'esprit. Mais la déesse partage avec les autres dieux la même ambiguïté: l'amour rapproche, favorise l'union, mais risque aussi toujours de déchaîner la guerre; Mars, dont Aphrodite s'efforce d'assurer le repos, demeure la face inséparable de l'Amour. L'harmonie créée par la clarté rayonnante de la déesse est travaillée sans répit par la face obscure du monde. Cette activité incessante des dieux est la vie même que partagent les hommes.

Hermès joue aussi un rôle de premier plan parmi les dieux. Intelligent et rapide, son esprit ailé n'est jamais à court d'expédients: au voyageur, au vagabond — tout comme au voleur d'ailleurs — il assure la réussite de leurs entreprises. Les dieux n'ont pas de meilleur messager auprès des hommes, dans le tissu de leurs activités. Hermès est à la fois l'intelligence et la ruse, le bon conseil mais aussi l'erreur qui égare, le bon et le mauvais chemin.

Parmi ces figures exemplaires, l'homme grec retrouve chez Homère ce milieu d'un monde tantôt beau et heureux, tantôt plein d'embûches et de perversité toujours possibles. La divinité n'est autre que cette vie même de la nature, de la phusis, dont le sens est devenu si lointain dans la «nature» moderne, qui en a consommé la rupture avec l'esprit. Nous devons renverser notre regard pour franchir cette distance. Il nous faut nous risquer à travers cette étrangeté radicale, si nous voulons séjourner dans la proximité d'une origine, dont Heidegger disait que les Grecs eux-mêmes avaient commencé à l'oublier. Et pourtant elle est encore toujours présente, même dans nos langues, si nous savons entendre, si nous sommes attentifs.

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W. Otto nous présente les dieux comme des êtres vivants aux caractères bien spécifiques à chacun. Qu'ont-ils en commun qui permettrait à notre regard de voir la divinité «au miroir de l'esprit grec»? Et de mesurer ce qui nous en sépare, dans un retrait qu'il nous faut essayer de penser en tant que retraiû

Les «nouveaux dieux» dans le monde homérique sont les dieux proprement grecs, sortis des divinités autochtones, souvent métissées de croyances orientales, venues des Ioniens ou des Achéens. On a remarqué l'aspect vivant qui les caractérise: ils apparaissent dans la fleur de l'âge, lorsque la vie est à son sommet de puissance et de beauté formelle. Ainsi, pour pouvoir épouser Dionysos, Diane recevra le don de la jeunesse qui lui fera partager la vie des immortels. Être vieux c'est être écarté du monde, perdre le privilège de l'immortalité.

Jeune et beau, le dieu est grand, mais sans être gigantesque. La taille est signe de puissance, mais elle ne doit pas être démesurée. Car la puissance comme celle de Zeus n'est pas la force sauvage mais le fruit de la connaissance. Apollon est le paradigme du dieu puissant et savant.

Se ravissant de leur perfection, les dieux sont des bienheureux, débordant de joie et de vitalité. Ils ne se soucient pas des hommes; s'ils interviennent dans leurs efforts, c'est pour revenir aussitôt à leur état bienheureux, sans quoi ils ne seraient pas des êtres parfaits. Le sourire du dieu est le paradoxe de la religion grecque, il exprime cette distante proximité que l'homme éprouve vis-à-vis des dieux. Le dieu a la même apparence que lui mais il n'a aucun défaut, et il lui est toujours supérieur. Il est susceptible des mêmes sentiments que l'homme, il peut éprouver comme lui la douleur et la joie; cette parenté est attestée par les nombreuses unions qui émaillent les récits mythologiques. Tout en étant comme l'homme, le dieu reste profondément différent.

Les «anciens» dieux dont Homère garde le souvenir n'avaient pas ce visage humain; souvent de forme animale, ils provoquaient l'effroi. Tandis qu'à l'époque classique — qu'il suffise ici d'évoquer la statuaire du VIe et du ve siècle — le dieu a pris une forme humaine, mais d'allure majestueuse: ce dieu-là est typiquement grec.

La divinité, c'est donc la vie dans son idéalité, celle que l'homme sent proliférer à la fois en lui et autour de lui, car il n'y a qu'un monde. Le Grec n'a jamais opposé un monde intérieur à un monde extérieur. Marqués par des siècles de christianisme, nous avons les plus grandes

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difficultés à nous défaire de ce dualisme, à revenir en retrait de cette distinction.

Le nouveau dieu, émergé et libéré des religions anciennes, a abandonné le côté obscur, celui du royaume souterrain de la mort, il nous tourne vers la vie. Non pas que ce monde soit oublié chez Homère, mais s'il est encore présent, c'est pour faire ressortir le nouveau. Contrairement à ce qui se passait dans les cultes anciens, les héros d'Homère sont sans contact avec les morts. Ceux-ci existent, mais ils appartiennent au passé, ils n'ont pas part à la présence du monde. Le mort est un étranger, il est «ailleurs», il ne se montre plus parmi les vivants, la crémation l'a exclu: ce qui a été n'est plus.

Les dieux anciens, tels Gaïa, Poséidon, ne dominaient pas la matière dont ils ne représentaient qu'un élément, la terre, l'eau ... Ils y étaient comme englués. C'est avec les dieux nouveaux qu'apparaît le monde comme totalité5. Les dieux sont devenus des êtres «olympiens», libres des éléments de la matière. Ils s'intègrent à la nature, mais la dominent.

Pour W. Otto, la religion homérique serait la première grande manifestation de l'« esprit», non au sens où nous opposerions l'esprit à la nature — c'est ce qui nous maintient si éloignés des Grecs — mais au sens de clarté de figure de la nature en tant qu'elle se manifeste comme esprit. Ce que Hôlderlin exprime dans le vers évoquant l'amour de Socrate pour Alcibiade: «Qui a pensé le plus profond aime le plus vivant»6.

C'est toujours sous un aspect de totalité que le dieu nouveau manifeste le monde. Aphrodite par exemple en présente la figure sous l'éclat de l'attrait amoureux. Tel serait plutôt le «miracle grec»: que la totalité soit apparue comme telle en son essence: la «sainteté» de la nature originelle, de ce qui se tient et se maintient, non plus comme une pluralité d'éléments individuels, mais comme figure, comme forme, non abstraite, dans son unité. Le dieu est la forme la plus haute de la nature. C'est pourquoi la sculpture classique le représente comme un homme idéal.

L'homme vit dans la présence des dieux, il dialogue avec eux, il fait

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partie de leur manifestation, sans la dominer mais sans non plus y être assujetti. C'est seulement lorsque ce lien originel se tendra à l'extrême que naîtra la tragédie, surgie de l'éveil du sentiment de culpabilité ou de pitié face au destin. Peu à peu conscient de sa responsabilité, l'homme va chercher à rétablir la justice dans le monde, et se tournera vers des religions de salut, pour se délivrer de la corruption originelle. La tragédie c'est l'annonce de la rupture de l'alliance sereine qui caractérisait le monde grec, dans lequel il n'y a pas de monde intérieur, pas de mythe de l'âme qui l'opposerait au monde extérieur. Sans doute l'homme a conscience d'une force intérieure, le thumos, mais elle fait partie du monde dans son ensemble; la conscience est le regard de l'homme sur le monde extérieur et elle n'est que cela. Une décision morale, c'est une manière de vivre dans un tout, c'est un aspect de la connaissance en tant que présence à ce tout. La phénoménologie de Husserl est encore un écho de cette ouverture au monde, elle mettra Heidegger sur la voie qui l'ecartera radicalement du sujet cartésien.

Ainsi se dissout le paradoxe de l'homme grec à la fois lié aux dieux et libre comme eux. Avant la tragédie, il vivait dans la proximité des dieux, et les humains n'étaient nullement — comme on le dit trop souvent — des pantins dont les dieux tenaient les ficelles. C'est là une déformation d'optique due à des siècles de modernité.

Cette approche de la religion grecque permet à W. Otto de définir la place du mythe dans leur culture: «L'homme, ce qu'il est, ce qu'il peut, cela veut dire: ce qui prend figure en lui et à partir de lui, ce qui participe au grand théâtre de l'être, c'est cela le mythe du divin»7.

C'est pourquoi l'on ne trouve que rarement dans le mythe grec ce que nous appelons le «merveilleux», l'extra-naturel ; ou, s'il nous apparaît tel, le Grec lui le représente comme naturel: ce qui se voit, ce qui s'offre aux sens. Le merveilleux, c'est le naturel. Le poète de l'épopée dit le merveilleux du naturel. Quand le dieu apparaît sous la forme d'un ami, d'un passant fortuit, il est lui-même celui qui prend la décision en cette occasion, il n'organise pas comme d'en haut l'action qui va suivre, il rencontre l'homme sur son chemin sous des traits familiers. Quant au poète, il est le clair- voyant, il montre le naturel sur fond divin ; l'homme reconnaît le dieu par exemple au moment où il s'éloigne «au mouve-

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ment de ses pieds et de ses cuisses»8. Cette présence voilée et discrète, c'est Yaidôs, dans laquelle Heidegger reconnaîtra Yalêtheia.

Le Grec a su percevoir le concret et l'individuel comme sacré. Car c'est une religion masculine, qui perce vers la clarté et rend les choses intelligibles: le mythe est toujours déjà logos. Ce que le Grec adore, c'est «la profondeur de l'existence de tout ce qui est concret dans une figure éternelle»9. Figure qui rassemble passé, présent et avenir, dans laquelle il n'y a place ni pour l'idée de résurrection ni pour celle de l'âme individuelle.

Mais cette clarté intelligible de la présence est en même temps inséparable de sa latence qui en est la condition et en fait en quelque sorte partie. C'est ce retrait insondable de la présence que le Grec a perçu comme le destin. La négativité est toujours là, sans recours à un quelconque dualisme; celui-ci se manifestera plus tard, et notamment dans le christianisme.

«La grandeur de la mort demeure comme l'ultime testament laissé par l'éclat et par les dieux de la vie». La religion grecque «... est la seule à avoir soutenu un clair regard sur le conflit éternel et insoluble de la vie, et a fait surgir de ses effrayantes ténèbres la figure majestueuse de la tragédie»10.

Heidegger pose alors la question: les Grecs ont-ils pensé l'être? Il perçoit chez eux comme le dernier rayon d'une grande et inépuisable aurore. C'est pourquoi on ne peut mieux comprendre la démarche qui commande toute sa pensée qu'en rappelant que Les dieux de la Grèce de W. Otto coïncident par leur date de parution avec le tournant qui se fait jour dans les œuvres dé-cisives du philosophe, Y Essence du fondement et Y Essence de la vérité, qui prolonge La doctrine de Platon sur la vérité. Heidegger cherche à parler une autre langue, il ne peut achever L'Être et le Temps car il ne peut y dire ce qui est à dire. Déjà il y annonçait d'ailleurs les difficultés de la thèse husserlienne, qui reste prisonnière d'une philosophie de la conscience et n'a pas encore vrai-

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ment rompu avec Descartes, ce qu'on pressent aussi dans l'ouvrage contemporain, Kant et le problème de la métaphysique, où la pensée de la finitude se heurte aux barreaux de l'idéalisme. Or, le tournant s'accomplit dans une remontée «historiale» vers la proximité grecque, ou plutôt vers ce que les Grecs commençaient à oublier; franchissement d'une distance à jamais insurmontable, au cours duquel la lecture de l'œuvre de W. Otto ne doit pas être étrangère.

Sans prétendre être exhaustif, on peut choisir trois œuvres particulièrement évocatrices de l'hellénisme qui a été pour Heidegger source de méditation: L'introduction à la métaphysique, l'article «Logos» de Essais et conférences, «Hôlderlin et l'essence de la poésie» dans les Approches de Hôlderlin.

La voie vers la métaphysique

II s'agit pour Heidegger de remonter en direction d'une origine insondable.

La métaphysique pose la question de l'être de l'étant (ti to onl). Assez curieusement, Heidegger, dans la Section II de l'ouvrage, commence par étudier la «grammaire» du mot «être». Autrement dit, il aborde l'être par son signe. De quel genre de signe s'agit-il, quel rôle joue-t-il dans la langue, quelle est sa fonction comme on a coutume de dire dans le langage de la grammaire? Approche qui paraît déconcertante par son allure apparemment linguistique; l'étymologie y est appelée à l'aide pour l'aspect philologique et syntaxique du Mot. «Être» c'est d'abord un signe. (Comment ne pas entrevoir ici, par-delà Heidegger, le «gramme» de Derrida?) Penser l'être, c'est penser un signe; pas de pensée sans signe, comme l'avaient cru Descartes et Leibniz. Et si l'être est avant tout son signe, alors ce signe prend tout à coup un aspect eminent, premier, qui a fait que la métaphysique s'en est emparée. Sa généralité concrète porte tout le langage. Unique parmi les signes, être se signifie et permet tous les autres signes.

Nous voici entraînés dans un étrange circuit: l'être comme signe. Par une sorte de spirale, l'Être devient le «comme» du signe. L'être est signe, et il ne finit pas de l'être, inépuisablement, en un tourbillon sans fond: être-signe, être-parole, être-logos.

Toujours par le biais de la grammaire, Heidegger interroge Platon et Aristote; la «grande» philosophie grecque a introduit une distinction déterminante pour tous les siècles à venir entre:

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— onoma signe d'une chose (dêlôma pragmatos) ;

— rhêma signe d'une action {dêlôma praxeôs).

Vonoma est dans l'intemporel, le rhêma est dans la ligne du temps en qui les choses arrivent, se produisent. Toutes nos langues ont repris ces distinctions. Pour exprimer les changements qui affectent les choses, on utilise des «cas» (ptôsis, casus), des «chutes» à partir d'un noyau stable; et pour les changements qui affectent l'action, des conjugaisons (egklisis, declinatio), qui font «pencher» l'action dans telle ou telle direction du temps. Ces indices montrent que derrière le nom et le verbe, il a dû y avoir la pensée de ce qui se tient et demeure en soi- même (istêmi, stare) et s'épanouit dans ce qui se montre dans les cas et dans les temps. Être aurait toujours été pour les Grecs se maintenir et venir en présence. Nom et verbe à la fois, l'être se tient derrière la distinction intemporel-temporel: son nom est temps. En même temps qu'il est nom, il est in-finitif, l'infinitif par excellence, négativité comme procès de tout ce qui arrive, venue en présence de tout ce qui est présent. C'est pourquoi l'être a pu devenir d'une part l'Étant suprême des théologiens et d'autre part la copule du jugement. Être-nom et être- verbe sont le Même, qui porte toutes les différences. L'être comme nom n'est pas l'étant, et comme verbe il est l'étant et rien d'autre que l'étant. La grammaire conserve les résidus figés du processus de la différence, de Yalêtheia comme dévoilement. Parler, legein, c'est œuvrer la différence.

Quand l'être se cache comme chose parmi d'autres choses, le langage, s'oubliant comme logos, devient re-présentation, explication par l'être-Cause. Comment ne pas reconnaître là ce que W. Otto désignait comme l'abandon de l'innocente proximité avec la présence des choses qui caractérisait la religion grecque à l'origine? D'où la nécessité d'une conversion à opérer si nous voulons entendre ce que la langue grecque gardait encore en un inconscient savoir, c'est-à-dire un avoir-vw. Mais nous sommes, et les Grecs l'étaient déjà, dans un éloignement tel que seule la pensée de cet éloignement peut nous ramener vers la proximité perdue, qui reste inscrite dans la langue. (Telle la «trace» chez Derrida.) Le regard neuf porté par Otto sur l'essence de la divinité grecque n'était-il pas déjà heideggerrien?

Heidegger poursuit sa répétition à travers les ramifications de l'être: le devenir, l'apparaître, le devoir-être. Tout comme les autres manifestations voilantes de l'être, l'apparaître s'est solidifié très tôt dans

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l'« apparence» comme opposée à la réalité. Les sens sont trompeurs; bien des passages de Platon le disent, si nous les lisons dans notre direction. Alors que nos langues conservent encore des traces du sens premier de «apparaître»; en français, le soleil paraît, en allemand scheinen se dit du scintillement des étoiles et du clair de lune (Mond- schein). Nous pensons donc encore l'apparaître comme l'éclat de ce qui est.

On se souvient 1 1 du glissement évoqué par Heidegger dans Platon qui va de Yalêtheia à Yorthôtês, la conformité du modèle d'où dérivera la certitude cartésienne. L'être se cache dans l'objet pour un sujet. Ainsi se perd peu à peu le sens de l'être comme procès d'apparaître. La négativité, devenue négation, n'est plus le combat (polemos) héraclitéen vers la lumière du logos. Alors que pourtant la doxa n'est pas d'abord l'opinion trompeuse, mais d'abord l'éclat, la gloire, la «parure». L'être trompe et détrompe, c'est pourquoi l'homme qui renonce au combat confond l'être et l'étant.

J.-P. Vernant, dont les vues seront examinées ci-dessous, voit la tragédie d'Œdipe, non comme un drame psychologique, mais bien métaphysique: Œdipe s'inscrit dans le combat de Yalêtheia. Il a «un œil de trop», dira Hôlderlin. Bien plus qu'un homme terrassé par le malheur, Œdipe est le pharmakos, le bouc émissaire en qui s'opère le processus de la vérité. Il est le meurtrier et l'incestueux, et en même temps le Sage, considéré et respecté, qui règne sur la cité.

Ainsi la mythologie est pour Heidegger comme pour Otto le «dire de la parole (muthos)», c'est-à-dire de la présence du monde, incarnée par les dieux. L'homme est le protagoniste en qui se joue le jeu du monde, en tant qu'il parle. C'est l'oblitération de cette parole, logos, par la ratio qui nous a éloignés toujours davantage de l'être en son paraître. Nous n'entendons plus cette parole dans la langue, car nous en avons oublié la matrice originelle. Nous parlons le grec sans plus le comprendre.

Heidegger a voulu faire resurgir à travers toute son œuvre ce circuit oublié du langage et de l'être. Le miracle grec, comme pour W. Otto, n'est pas l'avènement d'une raison enfin débarrassée de l'imaginaire du mythe, le miracle c'est le logos, comme commencement essentiel, historial — Anfang opposé à Beginn, — prise sur l'être en tant qu'avènement inépuisable toujours à venir.

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Le logos comme commencement

C'est ce que nous trouvons développé dans l'article «Logos» dans Essais et conférences. Sa méditation a pour canevas un fragment d'Heraclite: «Si ce n'est pas moi mais le Logos que vous écoutez, il est sage de reconnaître que tout est Un»12. Le sens enfoui de legein se retrouve dans «étendre devant soi, cueillir-recueillir, mettre à l'abri». La tournure de pensée «terrienne» du philosophe le renvoie au sens du mot allemand Lèse, la moisson, qui étale, choisit et protège ce qui, caché, se découvre.

Où est le rapport entre le sens primitif et la parole? Pourquoi logos veut-il dire tout cela en un même mot? Pourquoi «étendre devant soi» devient-il «parler, juger, raisonner»? Le questionnement heideggerrien nous éloigne immensément de la parole comme expression, qu'Aristote appellera phônê, où l'essence du langage n'est plus pensée, la présence de ce qui est présent dans la langue, et qui se devinait encore dans le jugement «apophantique».

Mais le «retour vers» n'est pas encore le chemin à penser; seul le logos lui-même est le chemin selon Heraclite: ce n'est pas moi mais le Logos qu'il faut entendre ... Sans quoi on n'a même pas commencé à penser ce que c'est que parler. Que dit le Logos? Le Un-Tout qui cache et découvre l'être en un même mouvement. Le principe d'identité a refermé ce pli de l'être en confondant l'être et l'étant; il a oublié sa source secrète. La mesure de la raison plonge dans l'incommensurable qui est sagesse, conformité au destin de l'être comme déploiement du Un-Tout. Dire le même (homologein) ne signifie pas qu'il est sage de déclarer comme le Logos que le Un est Tout : le Logos n'exprime rien, ne signifie rien; il est sage parce qu'il est lui-même déploiement-recueil, différence inépuisable.

Dans cette démarche de Heidegger, rien de commun donc avec un franchissement historique des siècles; ce n'est pas une remontée de l'histoire, mais un saut vers le séjour dans l'Inouï, dans l'inatteignable proximité de ce qui est, dans le sillage de ce qui vient et en soi-même se replie. Ceci devrait dissiper l'équivoque qu'on rencontre souvent à propos des considérations philologiques qu'on rencontre dans l'œuvre de Heidegger, et dont certaines peuvent paraître contestables. Heidegger ne part pas des données de la philologie, mais s'en sert plutôt pour

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illustrer la direction de sa pensée. Mais son enjeu n'est pas scientifique, la science se situant pour lui sur un plan totalement autre que celui de la pensée. On ne peut donc arguer de la fragilité de sa démarche, de ce qui pourrait paraître hâtif par exemple dans ses considérations sur l'étymologie. Le Logos, on ne le trouve pas à partir de quelque chose qu'on rencontrerait par hasard (gelegentlich), à partir de la constatation d'un fait. On ne peut penser le Logos qu'à partir de rien, d'aucun étant, comme commencement ab-solu. L'entendre c'est appartenir (gehôren), toujours déjà, à ce qui est, dans un passé éminemment «antérieur».

Le logos comme poème

Le saut de la pensée se précipite en un raccourci plus saisissant encore lorsque Heidegger aborde le langage de la poésie. Hôlderlin, son poète de prédilection, aurait affronté le dire du langage même, en tant que, en son essence, il est poésie. Car tout langage dit d'abord la présence, pièce d'or en qui tout ce qui est se trouve abrité.

Les cinq paroles-relais de la conférence «L'essence de la poésie» nous entraînent tour à tour dans le même tourbillon: la poésie dit le mythe, elle dit la parole, elle est la parole qui fait briller l'apparaître-de ce qui se cache. C'est pourquoi :

— la poésie est innocente, car elle n'exprime rien, ne sert à rien, elle n'engage aucun étant, elle se retire totalement de sa fonction de communication;

— mais cette innocente liberté l'expose au plus grand péril, car elle affronte de plein fouet le Rien, la Réserve de tout ce qui recueille et s'épanouit dans le Tout;

— et cela parce qu'elle est Mémoire, elle a toujours déjà entendu ce qui fonde la parole et permet ainsi aux hommes de s'entendre, d'être en leur essence un dialogue (Gespràche);

— car par-delà tous ses accomplissements parmi les étants l'homme est avant tout son propre poème13;

— le rôle du poète est donc de garantir l'essence de l'homme en tant que parole.

La poésie, redoublement indéfini du dire, est ainsi le Temps, la présence de tout ce qui vient en son arrivée.

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Pour W. Otto aussi la religion grecque était le mythe de cette familiarité avec la présence, avec les dieux cachés dans le monde, que le poète a pour mission de surprendre dans leurs déguisements ; il est celui qui voit mieux que le commun des mortels. «Tard venus», les hommes se souviennent pourtant toujours des dieux enfuis, cette mémoire est leur essence comme parlants.

Redonnons la parole aux sciences humaines.

II. Le mythe et la pensée chez les Grecs, selon J.-P. Vernant

Avec les travaux de J.-P. Vernant14, tournons-nous maintenant vers les données de l'histoire. Car l'interprétation des faits, but de toute science et pas seulement des sciences humaines, interpelle la philosophie; toute science repose toujours sur une position elle-même pensante quoique inexprimée; elle n'a pas pour objectif la réflexion sur elle- même, mais il n'en reste pas moins qu'elle se tient à l'intérieur de cette réflexion qui la conditionne.

J.-P. Vernant s'oppose d'entrée de jeu à la thèse classique du célèbre helléniste anglais J. Burnet, et qui a dominé longtemps les milieux de l'histoire: n'était-elle pas l'héritage tout naturel du rationalisme qui a régné en Europe jusqu'à ces dernières décennies, lorsque l'universalité de la raison scientifique semblait une évidence, malgré les failles qui s'annonçaient déjà à la fin du xixe siècle? Le «miracle» grec était considéré comme l'avènement ex nihilo de la philosophie, commencement absolu de la Raison. On serait tout d'un coup passé de l'imagination religieuse, c'est-à-dire du mythe, au raisonnement basé sur l'observation; on reconnaît ici la loi des trois «états» d'A. Comte. Or dès 191215, Cornford, avant même la publication de V Early Greek Philosophy de Burnet, avait déjà tenté de préciser le lien qui unit la pensée religieuse et les débuts de la connaissance rationnelle. Lui emboîtant le pas, J.-P. Vernant dénonce la thèse du «miracle» grec, en mettant en évidence l'immense différence qui distingue la science actuelle de ce qu'elle était dans l'antiquité, à propos de laquelle on ne peut parler d'« expérience» au sens opérationnel qu'elle a pris aujourd'hui. Ce qui

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peut nous apparaître comme science chez les anciens est en réalité l'évolution de représentations religieuses vers une expression en termes plus abstraits. Quant au philosophe, celui qui sait, il prend la succession du basileus, le roi-prêtre, mais il en reprend aussi dans une certaine mesure le pouvoir efficace; c'est un mage. Et les systèmes d'explication de la science antique restent calqués sur ceux des mythes religieux: mise en ordre par séparation des éléments chez les Ioniens, construction à partir des contraires chez Heraclite, les Éléates, les atomistes. En fait, ces «éléments» se substituent à Ouranos, Gaia, Aether ...

Dès lors la vraie question est celle d'expliquer comment la philosophie cesse d'être le mythe, «de définir la mutation mentale dont témoignent les premières philosophies grecques, quelle est sa nature, son ampleur, ses conditions historiques»16.

Or, les recherches que J.-P. Vernant a poursuivies concernant l'avènement de la philosophie en Grèce engendrent chez lui la conviction que «les Grecs n'ont pas inventé la Raison, mais une raison, liée à un contexte historique et très différente de celle d'aujourd'hui». Et il ajoute: «II y a enfouis en nous, dans ce qu'on appelle le contexte mythique, des niveaux multiples, des modes d'organisation et comme des types de logique différents» 17.

Examinons sous quelques aspects concrets comment se produit ce passage du mythe à la philosophie; on peut y lire les étapes d'une évolution qui contredit l'idée, désormais dépassée, selon lui, d'un commencement absolu, d'une naissance sans antécédents des procédés explicatifs de la pensée rationnelle.

D'abord la notion de mémoire, qui contient la pensée du temps. On connaît le rôle de la réminiscence chez Platon. Or, déjà dans le mythe, l'aède était celui qui a l'expérience immédiate du passé; cette intuition le rangeait à part de l'homme ordinaire, qui ne connaît que par ouï-dire, par témoignages. La vision du poète le rapproche des dieux, pour qui savoir est voir (oida, eidon). Néanmoins ce savoir est l'aboutissement d'une ascèse, exercices de concentration constamment répétés, apprentissage des règles minutieuses de la composition poétique, qui la rattache directement aux rites religieux.

L'évolution de la mémoire vers le sens philosophique qu'elle prend chez Platon est caractéristique à la fois par sa continuité et la mutation

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qu'elle subit. Alors que chez le héros mythique, être et devenir ne sont pas encore conçus séparément — le héros transcende la condition mortelle en passant librement de la vie à la mort, chez Platon se produit un durcissement entre la lêthè comme oubli et l'anamnèse comme ressouvenir. Grâce à la mémoire, l'âme s'échappe du temps comme d'une prison et accède à l'immortalité, se libère des cycles de la métempsychose et participe au banquet des dieux, c'est-à-dire au «toujours». Tandis que le fleuve du devenir emporte tout dans la négation du changement perpétuel, la mémoire nous installe dans l'Être immuable. Ainsi commence avec Platon la «philosophie». Comme dans la lecture heideggerrienne, il y a perte de la présence, rupture de l'être et de l'apparaître, glissement du Néant dans la pure négativité. Mais cela n'a pu se produire qu 'à partir de la mémoire mythique, de l'oubli de ce qui était su, dans la parole du poète.

On retrouve une évolution semblable dans l'idée de «nature», dont on connaît la «répétition» dans l'œuvre de Heidegger. La conception mythique transmet ici aussi sa structure à la philosophie mais en subissant une sorte d'éclatement: d'une part la «physique» des Ioniens, matérialiste, qui engendrera le mécanisme des atomistes; d'autre part le spiritualisme des Éléates chez qui la nature changeante et multiple est rejetée de l'être au profit de la seule réalité de l'âme opposée au corps corruptible. Telle sera la philosophie comme destin de l'Occident. Elle sera proférée, non plus par le prêtre ou par le roi mais par le sage, le chaman, qui se tient à l'écart, et même parfois en opposition avec le pouvoir. La pensée se laïcise. Heraclite, quoique de lignée royale, repousse les avances de Xerxès qui veut l'engager comme professeur. Néanmoins cette évolution ne supprime pas la notion d'inspiration héritée de la Mnémosumê du mythe.

La raison abstraite permet aux hommes de s'entendre sur les mêmes principes; désormais la société peut s'organiser, la cité va naître. Cependant le passé survit: l'enseignement d'Aristote est en partie ésotérique, réservé aux initiés, caché au grand public. Les fragments d'Heraclite gardent une allure obscure, qui désoriente et réveille le souvenir des rites religieux, malgré l'affirmation d'un logos ordinateur, que chacun doit écouter s'il veut «parler» véritablement, selon la raison.

L'idée de «substance» (ousia) a aussi une histoire. Ici, dans son interprétation, J.-P. Vernant laisse pointer une certaine attitude philoso-

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phique, qui permet peut-être une confrontation avec la pensée du Logos chez Heidegger, que nous risquerons plus loin. A l'encontre de l'historien Thompson et d'autres positivistes18, l'idée philosophique de substance n'est pas dérivée de son sens matériel: ce qui s'échange comme la monnaie, les biens, les choses qu'on désigne aussi par ta chrêmata. Ce n'est pas le commerce qui a mené à l'abstraction mais, à l'inverse, c'est l'abstraction qui a rendu possible l'échange de choses semblables. La valeur est une notion abstraite, tirée du principe d'identité, donc de l'être comme objet intelligible. L'activité mercantile découle de l'aspiration à l'unité, qui présidera aussi à la formation de la cité, et cette aspiration était déjà présente dans nombre de courants religieux, notamment dans l'orphisme.

La tragédie aussi est pour notre auteur un témoignage des rapports étroits du mythe et de la pensée rationnelle: n'est-elle pas le lieu même où se déroule le débat, le noeud inextricable entre ces deux aspects de la pensée humaine? Interminable confrontation entre deux langues, parlées par deux espèces de personnages, portant sur deux registres de valeurs, tous les termes de la tragédie sont marqués d'une ambiguïté perpétuelle, qui habite le caractère même des acteurs.

D'une part il y a le chœur, «personnage collectif et anonyme, incarné par un collège de citoyens, et qui exprime ... les sentiments des spectateurs qui composent la société civique». L'autre langue est celle du héros «joué par un acteur professionnel, personnage individualisé dont l'action forme le centre même du drame ... et toujours plus ou moins étranger à la condition ordinaire du citoyen»19.

La dualité des langues correspond ainsi à la dualité des personnages, mais Pinextricabilité du débat, c'est le chiasme formé par ce dédoublement : en effet, c'est le chœur — donc les citoyens — qui s'exprime dans un langage lyrique, non quotidien, pour célébrer les vertus du héros des temps anciens; tandis que le personnage tragique, aux dimensions exceptionnelles, parle un langage ordinaire et se trouve par là proche du public. La tension est dans les protagonistes eux-mêmes.

Le message tragique se veut ambigu, il doit montrer que, dans les paroles échangées par les personnages, il existe toujours une zone d'opacité et d'incommensurabilité. Antigone et Créon ne peuvent s'entendre sur le terme de «justice», car il ne cesse d'osciller entre des

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valeurs différentes selon qu'il ressort du cadre juridique de la cité, ou du point de vue de la loi divine. Toute espèce de sous-entendus pénètrent subrepticement sous les propos d' Agamemnon. Œdipe, le pharmakos, est écartelé entre le rôle de bouc émissaire chargé des souillures de la cité, et le caractère sacré de cette même souillure imposée par les dieux20.

La tragédie est ainsi le drame métaphysique de la tension qui unit et oppose le mythe et la raison. L'interpréter comme un drame psychologique d'affrontement entre des caractères est un anachronisme qui nous ferait manquer l'essentiel. Poser la question de l'unité du personnage tragique n'a pas de sens; des personnages comme Étéocle sont bourrés de conflits intérieurs. La psychologie du personnage doit se subordonner au mythe, sans quoi il n'y aurait pas de tragédie. Dans la Poétique d'Aristote, il est dit que la tragédie est l'imitation du mythe.

J.-P. Vernant a encore récemment explicité ses vues sur la protorationalité du mythe dans un recueil paru en 198521, en choisissant trois éclairages dans la pensée grecque: la mort, l'amour, la conscience individuelle.

Dans la conception grecque archaïque, le dieu est un sur-corps, et non un esprit séparé d'un corps matériel. Et c'est d'après ce sur-corps qu'est conçu le corps humain, non l'inverse. Dès lors la mort n'est pas la disparition de ce corps, mais une imperfection de celui-ci si on le compare à celui des dieux, dont le privilège est d'être immortel, athanatos. Le malheur de l'homme réside dans cette incomplétude, non dans l'enchaînement de son esprit à un corps purement matériel. Ce ne sera que chez Platon que le corps sensible ne sera plus pensé comme une manifestation de l'être, chez lui se consomme la rupture entre être et apparence. Chez les anciens, le dieu est positivité pure dans cette manifestation sensible, il est corps «idéal», c'est-à-dire qu'il jouit d'une forme de vie supérieure en comparaison de laquelle l'homme n'est qu'un pâle fantôme. Vie et corps sont indissociables, comme d'ailleurs les valeurs physiques et morales. L'homme noble et généreux est appelé «beau et bon» (kalos kagathos). Malgré ses limites, l'homme est capable

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de se rapprocher de la divinité par la vertu et la parure: Achille est transfiguré par sa force et sa beauté, par ses vêtements, ses armes et ses joyaux. Lorsqu'il sort du bain, Ulysse est rajeuni, méconnaissable par rapport à son aspect antérieur. Néanmoins la limite demeure, l'homme reste condamné à périr, il se flétrit irrémédiablement. Ce qui reste de lui, c'est le souvenir, le «monument» (mnêmà).

La sur-corporéité se révèle à travers toute la mythologie. L'homme reconnaît le dieu en voyant son invisibilité: soit que le dieu se cache (dans la brume), soit qu'il intervienne dans le cours des événements, sa trace est visible. Visible et invisible ne sont pas antinomiques: le poète reconnaît le dieu qui se déguise sous l'aspect d'un mortel (Chalchas); il le devine lorsqu'il bondit, lorsqu'il prend une allure éthérée, impalpable22.

La divinité est donc corporelle, même si elle n'est pas limitée dans l'espace et dans le temps. Les dieux sont des individus, ils forment une société, comme l'atteste le polythéisme; chez Hésiode, chaque dieu a sa place dans le cosmos. C'est à partir de cette ambiguïté de l'illimité et de la limite que la pensée religieuse cherchera à résoudre ce paradoxe et s'orientera vers le monothéisme.

Dans la mythologie, corps et non-corps se frôlent dans une vibration continuelle, une «tension entre l'obscurité dont est pétri le corps humain et la clarté dont resplendit, invisible, le corps divin»23.

L'épopée est le monument qui témoigne de l'idéalité que peut atteindre l'homme par ses qualités physiques et morales: la virilité, la beauté, la jeunesse, le courage. Cependant la mort conserve sa face négative: le vieillissement qui défigure le corps. Le héros refuse, lui, ce risque terrifiant, il préfère mourir au faîte de sa jeunesse, c'est pourquoi il rejette l'étrangeté radicale d'une mort totale (symbolisée par la Gorgone) qui sépare les deux mondes, celui des vivants et celui des morts. Achille ne choisit pas la mort parce qu'il la considère supérieure à la vie, mais parce qu'il aspire à une forme supérieure de vie, parce qu'il veut demeurer vivant.

Les deux visages de la mort restent à la fois inséparables et inconciliables. Que l'on compare par exemple, dans l'Iliade, la mort glorieuse d'Achille et, d'autre part, l'aspect hideux qu'elle prend lorsque Ulysse rencontre le héros dans le monde exsangue des morts24.

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Le mythe d'Eros offre une autre illustration de la dialectique entre le visible et l'invisible, dont se nourrira le rationalisme grec. Le Phèdre retient encore les richesses de l'imagination mythique. Platon en effet présente l'expérience erotique avant tout comme une vision : une croisée de regards, semblable à l'épiphanie du dieu lorsqu'il se manifeste. Ce que chacun voit dans la pupille de l'autre, c'est son propre désir de la beauté idéale. L'amour platonicien n'est pas encore simplement horizontal comme chez Aristophane. Il est «folie divine», poursuite verticale: «c'est reconnaître que, dans le miroir qu'est le visage de l'aimé, ce n'est pas notre visage qui lui apparaît, mais celui du dieu dont nous sommes possédés, dont nous portons le masque, et qui, transfigurant notre face en même temps que celle de notre partenaire, les illumine toutes les deux d'un éclat venu d'ailleurs, d'un autre monde ...»25. Voir et être vu, c'est d'abord voir l'invisible; Eros est la face du dieu dans le visible. C'est pourquoi l'homosexualité n'est pas l'amour, l'amour véritable est celui qui engendre la beauté et qui comporte trois termes. Il est la différence, l'inexhaustible arrivée de l'invisible dans le visible, il est sa séparation toujours recommencée avec lui-même. Le désespoir de Narcisse, c'est l'impossibilité où il se trouve de se décoller de sa propre image, et il meurt dans son miroir, incapable d'aimer.

L'évolution de la philosophie grecque est l'annulation progressive du processus de la différence. Eros se figera en entité métaphysique, c'est-à-dire en positivité supra-sensible. L'individu n'aura d'autre recours que de se nier, la négativité ayant perdu son dynamisme. Ici encore se profile la répétition heideggerienne . . .

L'idée de conscience individuelle, qui culmine dans la pensée moderne, plonge aussi ses racines dans un sol grec. Non pas que le Je y ait jamais été celui de l'intériorité cartésienne, il fut au départ toujours uniquement tourné vers l'extérieur. La littérature grecque ne comporte que des biographies relatant le rôle d'un individu dans un groupe; s'il y a des autobiographies, il n'y a cependant ni Mémoires ni Confessions dont le thème serait l'exploration du Moi par lui-même. Le poète lyrique (Sapho) donne ses impressions personnelles, mais il décrit l'expérience d'un Moi tourné vers le dehors, soit qu'il se mire dans l'autre ou dans le monde extérieur. Exister, ce n'est pas penser, mais voir, sentir, marcher ... Néanmoins le Grec est essentiellement un individu conscient de son dynamisme; et c'est ce qui permettra l'avène-

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ment d'un Moi psychologique, tourné vers le dedans. Saint Augustin marque cette étape, qui oriente alors la philosophie vers l'idéalisme rationaliste.

Vernant versus Heidegger

Au terme de ce bilan rapide des recherches et réflexions d'un helléniste, on ne peut s'empêcher de poser la question des sciences humaines elles-mêmes, c'est-à-dire la question philosophique du logos dont on a décrit l'évolution. Question épineuse qui exige de préciser la différence fondamentale — et elle requiert d'être fondamentale — entre l'histoire de la pensée (de l'être) et la pensée comme histoire (de l'être). Ce qui ramène aussitôt à Heidegger et à la distance où il a toujours voulu se situer par rapport à la science, et aux sciences humaines en particulier. Selon lui, il n'y a pas de passage possible entre la pensée et la science; pas de pont entre l'histoire comme Geschichte, destin de l'être, et l'histoire comme description des phénomènes de la culture. Penser le commencement comme source essentielle, comme Anfang, relève d'une pensée tout à fait autre que la description des débuts de la culture, Beginn. Et pourtant ... l'être est l'être du phénomène, et le phénomène est le phénomène de l'être. C'est toujours l'être dont il s'agit...

A la lumière des entretiens de Davos (1929), rappelons les deux perspectives qui s'offrent à la pensée:

— la perspective de l'histoire comme science, qui décrit les phases successives d'une mutation, comme lorsque J.-P. Vernant montre les rapports existant entre le mythe et la raison. Il s'agit ici de rechercher les facteurs explicatifs d'une évolution: J.-P. Vernant remplace une théorie, celle du «miracle» grec prôné à son époque, par une autre théorie, celle d'une mutation, qui lui paraît rendre compte plus fidèlement des rapports du mythe avec l'apparition de la science antique, celle-ci étant infiniment éloignée de la science actuelle.

— l'autre perspective est celle de la pensée au sens d'un commencement absolu, sans cause, sans fondement, car elle est son propre fondement. En elle repose l'être cause de la cause, que ne peut penser la science, qui ne peut se penser elle-même. Mais ne peut-on tout de même tenter d'expliciter prudemment l'impensé qui préside à une description scientifique et à son interprétation? On pourrait par

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exemple remarquer qu'on décèle encore chez Vernant, et presque malgré lui, un souvenir de la perspective classique, dans la manière dont il présente l'histoire de l'avènement de l'esprit; on dirait que l'ombre de Hegel n'a pas tout à fait disparu. La philosophie en effet est pour lui le rationalisme au sens étroit, la culture occidentale, ce que précisément Heidegger considère comme étant l'oubli de la pensée. On se sentirait plus proche d'un néo-idéalisme comme celui de Cassirer.

L'intérêt des recherches de J.-P. Vernant réside avant tout dans le fait d'avoir montré que la science antique n'a pas été un «miracle», mais qu'elle est née grâce à l'abstraction déjà présente dans la logique du mythe. Mais ne considère-t-il pas le mythe comme un état «primitif» — à la manière encore d'A. Comte, — à partir duquel la pensée «progressera» en un sens absolu, vers le cartésianisme et la science moderne?

L'impensé des travaux de W. Otto semblait aller en sens inverse, nous invitant à retrouver la richesse de l'intuition mythique, qui serait la source de Logos et qui continue à y œuvrer secrètement dans la rationalité d'aujourd'hui. La divinité grecque est, pour lui, présence du monde, de tout ce qui est, avant d'être pensée comme Cause. On est ici beaucoup plus proche de Heidegger, de la présence comme Réserve toujours cachée et toujours survenante, ce que nous devons toujours attendre, si, comme le dit Heraclite, nous voulons accéder à ce qui est impénétrable26.

III. J.-P. Vernant lu par J. Derrida

Suite à la confrontation quelque peu risquée ci-dessus, il est intéressant d'évoquer brièvement la lecture de J.-P. Vernant par un philosophe qui n'a cessé de se reconnaître l'héritier de Heidegger, tout en s'expliquant subtilement avec lui27.

L'hommage de J. Derrida à J.-P. Vernant prend la forme d'une interpellation qui produit sur l'œuvre de l'helléniste un effet de «microscope électronique» sur le rapport Mythos-Logos: il fait surgir derrière

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les deux termes de l'opposition un impensé qui restait masqué sous la dualité (la différence). Ce qui desserrerait l'étau d'un rationalisme un peu étroit dans lequel il serait outré d'enfermer la position qui préside à l'histoire du rapport chez l'helléniste.

«En signe de gratitude et d'admiration», J. Derrida pose à J.-P. Vernant une question «qui s'adresse à celui qui nous a tant appris et donné à penser de l'opposition mythos/logos, certes, mais aussi de l'incessante inversion des pôles ... : comment penser ce qui, excédant la régularité du logos, sa loi, sa généalogie naturelle ou légitime, n'appartient pourtant pas, stricto sensu, au mythos! Par-delà l'opposition arrêtée ou tard venue du logos et du mythos, comment penser la nécessité de ce qui, donnant lieu à cette opposition comme à tant d'autres, semble parfois ne plus se soumettre à la loi de cela même qu'elle situe! Quoi de ce Heu! Y a-t-il là quelque chose à penser, et à penser selon la nécessité!»28 .

Ce lieu ne serait-il pas la chôra dont il est question dans le Timée? J.-P. Vernant l'aurait pressenti en lisant Platon.

Rappelons que le Timée est une dialectique descendante, qui n'est pas seulement une application de l'intelligible à la pratique sensible, mais une déduction des réalités sensibles, qui rappelle d'ailleurs la redescente du philosophe dans la Caverne. Cette dialectique même qui annonce la science de Galilée. A propos de l'apparente contradiction entre le rôle des mathématiques et l'usage constant chez Platon du mythe, de la valeur expressive de l'analogie, de la métaphore, Fr. Chatelet28 a fait remarquer qu'il ne faut pas dissoudre le mythe dans la dialectique rationnelle, mais se rendre compte, à l'inverse, que c'est la dialectique qui est mythique, qu'elle relève elle-même du domaine de l'image. Il faut montrer que Platon considère les deux logiques comme nécessaires dans leur différence même, parce que le philosophe est toujours lui-même engagé dans le sensible. Il n'est jamais entièrement philosophe et il s'adresse à des non-philosophes. Mais si la science, d'une part, reste prise dans le sensible, le mythe seul, elle ne peut dire la réalité la plus haute. D'autre part, si elle rejette entièrement le mythe, elle ne sait plus montrer ce qu'elle a appréhendé par la démonstration. La logique du mythe complète celle de la démonstration. La raison n'est pas tout le logos, celui-ci se tient toujours en retrait de la raison et

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de l'image. Selon J. Derrida, il tiendrait dans le concept de Chôra, qu'on trouve dans la parole de Socrate. De quoi et d'où parle Socrate? D'un lieu qui n'est circonscrit par rien, un lieu qui n'en est pas un et en quoi s'incrit tout le reste, tout ce dont on parle. Ainsi Socrate présente les figures idéales de la Cité; cependant tout en jouant au philosophe, ou au poète-imitateur, ou à l'homme politique, il se défend de l'être! Il fait «comme» s'il l'était, même si ce «comme» reste subreptice. Parlant des genres d'hommes, il se retire dans un ordre autre, qui n'est pas sur le même plan, un tritos genos. Un genre qui ne s'oppose pas à un autre, car rien ne le dé-finit, il reste en deçà de l'opposition entre identique et contradictoire; le tritos genos n'oscille pas entre deux genres, il est «entre» l'oscillation et la non-oscillation. La chôra, n'étant rien, n'est ni origine ni matrice, même si toute figure part d'elle. La parole de Socrate n'a pas vraiment d'émetteur ni de destinataire, ce qu'il dit est non- parole.

Cette lecture bien derridienne de Platon- Vernant déplacerait ainsi légèrement la position de ce dernier vis-à-vis de la pensée de Heidegger, dont, par contre, l'essentialisme guette encore l'œuvre en bien des tournants ...

Ainsi a resurgi la question du dialogue philosophie-sciences humaines. Qu'il faille entièrement couper la science de la pensée est peut-être excessif. Ce que J. Derrida entend par la chôra chez Platon, et qui aurait orienté la pensée vers le rationalisme, n'est-ce pas aussi la présence de tout site et de toute figure, dans toute constitution représentative, y compris celles de la science? Faut-il dès lors exclure la science de la pensée, même au sens heideggerien du terme? Si l'être comme Histoire est autre que l'histoire de la pensée (de l'être) et n'est pas cette histoire, néanmoins l'histoire «en» est.

Derrière tous ces clivages, il y a l'unité de la pensée. Et c'est pourquoi il y a l'unité du langage sous la diversité des paroles possibles. Cl. Hagège le rappelle dans L'homme de paroles29: l'unité du langage, ce que tout le monde désigne par le seul terme «langage», est lisible dans le fait qu'il est toujours dialogue. On ne parle que parce qu'on s'entend, c'est-à-dire parce qu'on se comprend. Il y a toujours quelque chose qui passe dans le langage, fût-ce dans une mesure minimale; sinon il n'y a pas langage. Certes l'incommunicable demeure aussi

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toujours, le problème de la traduction n'est jamais entièrement surmon- table. Mais cette impossibilité est due à l'unité à laquelle les langues aspirent au cours d'une conquête continuelle, victoire toujours reculée, mais dont le recul même fait exister le langage.

Quant au problème des rapports entre le mythe et la raison, la contribution de savants comme W. Otto et J.-P. Vernant semble avoir alimenté sans conteste la réflexion des philosophes dans leur «répétition» de l'histoire.

rue au Bois, 370/15 Luce Fontaine-De Visscher.

B-l 150 Bruxelles.

580 Luce Fontaine-De Visse her

1 Jean Beaufret, «En chemin avec Heidegger», dans Cahiers de l'Herne, Paris, Payot, 1984, pp. 201 à 231.

2 Walter F. Otto, Les dieux de la Grèce, trad. Cl. N. Grimbert et A. Morgant, Paris, Payot, 1984.

3 II fut déplacé en 1934 de Koenigsberg aux frontières de la Prusse orientale. Cfr. idem, p. 18.

4 Cfr. le latin formosus .

5 II est curieux de constater qu'Homère représente les dieux anciens plutôt comme des personnages comiques; le géant Ouranos est plus drôle qu'effrayant; cfr. idem, p. 183 sqq.

6 Cité par W.F. Otto, idem, p. 186.

7 Idem, p. 220.

8 Poséidon est venu signifier aux deux Ajax qu'ils doivent rassembler leurs forces et se mettre courageusement au combat; l'un des deux, le fils d'Oïlée, fait aussitôt remarquer à son compagnon, le fils de Telamon, qu'il s'agit d'un dieu sous la figure de Chalchas ; cfr. idem, p. 235.

10 Idem, p. 316-318.

1 1 Dans La doctrine de Platon sur la vérité.

12 Fragment 50. Trad. J. Brun.

13 U. Eco dira que l'homme est son propre poème; le nom de l'homme, c'est l'homme (Sémiotique et philosophie du langage).

14 Jean-Pierre Vernant, Mythe et pensée chez les Grecs, Paris, Maspero, 1965. Suivi de Mythe et tragédie.

15 From Religion to Philosophy. Cfr. J.-P. Vernant, idem, p. 286.

16 Idem, p. 290.

17 Idem, p. 11.

18 Idem, p. 308 sqq.

19 Cfr. Mythe et Tragédie, p. 27.

20 J.-P. Vernant fait remarquer l'ambiguïté inscrite dans le nom même du personnage d'Œdipe: Oida contient l'idée du sage (celui qui sait), donc du juste; et, associé à podos signifie «qui a le pied enflé», donc suggère l'infirme, rejeté de la société par ses parents dès l'enfance; idem, p. 113.

21 J.-P. Vernant, L'individu, la mort, l'amour. Soi-même et l'autre en Grèce ancienne, Paris, Gallimard, 1989.

22 L'homme d'ailleurs ne saurait soutenir la vision du dieu face à face, il en serait terrassé. Cfr. idem, p. 33 en note («Le corps divin»).

23 Idem, p. 39.

24 Idem, pp. 114-115 («Inde, Mésopotamie, Grèce: trois idéologies de la mort»).

25 Idem, p. 160 («Un, deux, trois, Eros»).

26 Fragment 18. «Si tu n'espères pas, tu ne rencontreras pas l'inespéré qui est scellé et impénétrable» (Trad. J. Brun).

27 Jacques Derrida, «Chôra», dans Poikilia, études offertes à J.-P. Vernant, Paris, Éditions de l'École des Hautes Études en Sciences Sociales, 1987, pp. 265-296.

28 Cfr. J.F. Chatelet, «Platon», dans Histoire de la Philosophie, t. 1, Paris, Hachette, 1972, notamment p. 125 sqq.

29 Cl. Hagège, L'homme de paroles, Paris, Fayard, 1985, Troisième partie: Visée théorique ou l'homme dialogal.

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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine

Létitia Mouze : la raison, les poètes et les mythes

Défenseur de la Raison, acharné à distinguer le vrai du faux, Platon recourt fréquemment aux mythes et va jusqu’à reconnaître à la poésie une valeur éducative. Létitia Mouze éclaire ce paradoxe.

On retient souvent de Platon sa défense de la Raison, et l’ambition du philosophe de « parler vrai » . Pourtant, les mythes occupent une place importante dans les dialogues platoniciens. Comment l’expliquer ?

Létitia Mouze — Le problème, c’est qu’on conçoit ici le mythe comme un élément extérieur au discours philosophique, qui viendrait simplement s’y surajouter. On instaure alors une dichotomie entre les mythes et la philosophie, que l’on identifie au rationnel. Or, chez Platon, les mythes sont entièrement philosophiques, et relèvent de ce qu’il nomme le logos . Il faut se souvenir que nos termes de « Raison », de « rationalité », n’ont pas le même sens que le logos , ou le logistikon , platoniciens. La traduction engendre des connotations modernes qui n’existent pas dans le vocabulaire platonicien. Il ne peut pas s’agir de substituer au mythe un discours philosophique « plus rationnel », puisqu’une telle dichotomie n’existe pas chez Platon. Le discours argumentatif et le mythe remplissent la même fonction  convaincre – ou persuader, puisqu’il n’existe qu’un seul terme en grec pour signifier ce que recouvrent ces deux verbes en français.  

En quoi le mythe se distingue-t-il de l’argumentation rationnelle ?

Dans la réfutation socratique, le discours argumentatif est utilisé pour faire prendre conscience à son interlocuteur de ce que ses opinions sont seulement des opinions, et non des savoirs. Le but est de libérer de la place dans son âme pour le désir de savoir, qui ne peut pas exister tant que l’on croit savoir. Le mythe, lui, remplit plutôt une fonction pratique ou prescriptive : inciter à agir d’une certaine façon. Certains comportements doivent découler de ce que raconte le mythe. Par exemple, le mythe qui décrit le jugement des âmes après le trépas doit inciter à être juste afin de ne pas être châtié après la mort. Cette fonction pratique du mythe grec est essentielle à cette époque : Platon ne fait que récupérer cette fonction exhortative. Dans la mesure où le mythe vise à nous faire agir d’une façon juste, il est essentiellement lié à la philosophie. Celle-ci n’est pas en effet une discipline, mais un état de l’âme, le désir de savoir (sophia) . Or désirer savoir est le fait d’une âme qui met au pouvoir en elle-même la raison, et pour laquelle les plaisirs du corps sont secondaires, ce qui est le propre d’une âme juste. Une âme philosophe est donc une âme juste.

"Le discours argumentatif et le mythe remplissent la même fonction : convaincre – ou persuader, puisqu’il n’existe qu'un terme grec pour ces deux verbes français"  Létitia Mouze

Au-delà de cette fonction prescriptive, peut-on également parler d’un usage poétique du mythe chez Platon ?

Si les mythes peuvent avoir une fonction prescriptive, c’est justement parce qu’ils sont poétiques : ils procurent à l’âme un plaisir qui est le propre du discours poétique, et qui est précisément ce qui les rend persuasifs. La fonction prescriptive du mythe découle de sa nature poétique. Lorsque Socrate raconte un mythe, il endosse le rôle éducatif qui est celui du poète dans la cité. De fait, de même que le poète tel qu’il est défini dans l’ Ion , il se présente alors comme sous l’emprise d’une inspiration divine, et traversé par une parole dont il n’est pas réellement le sujet, ni l’inventeur.

Pourtant, Socrate dresse une critique sévère des poètes au livre X de La République , et exhorte même à « chasser les poètes de la Cité » ...

En vérité, Platon ne veut pas chasser tous les poètes de la Cité : la mimèsis [imitation] poétique dont il est question ici n’est pas la poésie en général, mais la mimèsis poétique définie au livre III, c’est-à-dire le théâtre, et en particulier la tragédie, dont Homère, dit Platon, « est le chef de file » . Dans le livre II de La République , au contraire, Platon explique que l’éducation commence par les histoires, qui forment l’âme. Il convient donc de contrôler ce que nous racontons aux enfants : il faut utiliser les poètes et non les chasser.

Cette thèse est plus explicite encore dans les Lois , où le discours poétique est présenté comme le discours éducatif par excellence. De fait, lorsque Platon définit le mythe comme un « discours faux » , cela ne signifie pas qu’il est trompeur, mais qu’il n’est pas factuellement vrai : il ne raconte pas des faits qui se sont réellement passés, mais une fiction. Seulement, on peut dire le faux comme il convient ou, au contraire, d’une manière qui ne convient pas – et qui a des conséquences morales néfastes. En effet, le discours poétique est porteur, à l’insu du poète et de son public, de certaines conceptions, de certaines valeurs, qui se transmettent à l’âme de ses auditeurs. Le faux qui ne convient pas, c’est la fiction qui transmet des valeurs moralement répréhensibles. Il existe donc une manière convenable de dire le faux : il n’est pas problématique en soi de produire des fictions (muthoi) . Plus généralement, Platon ne critique pas la mimèsis en soi : le problème, ce n’est pas l’imitation, ce ne sont pas les images, c’est le fait de prendre une image pour la réalité, alors qu’elle n’est qu’une image. Mais cette question ne se pose pas avec le discours poétique, puisque l’on sait que le discours du poète est une fiction.

Que penser alors de la façon dont les sophistes, eux aussi, recourent aux mythes ?

À l’époque de Platon, il est très courant de faire référence aux mythes afin d’appuyer son propos – tout au moins dans les milieux cultivés, comme le sont les cercles des sophistes et de Platon. Mais Socrate reproche aux sophistes de détourner les mythes pour leur faire dire ce qu’ils veulent. Il refuse l’interprétation allégorique des mythes, qui cherche à déchiffrer un sens caché par-delà le récit fictif explicite, au lieu de se laisser persuader par sa leçon morale. La pratique philosophique du mythe par Socrate rejoint plutôt la pratique ordinaire de l’époque : lire les mythes comme des invitations à agir d’une certaine manière. Dans le Phèdre , Socrate invite à « faire confiance » aux mythes : non pas en croyant que les choses se sont réellement passées ainsi que le mythe le décrit, mais en agissant en fonction de la leçon éthique que l’on peut en tirer.

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QUIZ: Le langage et la communication - Catégorie : Philosophie - 9 QCM - Difficulté : ⭐⭐⭐

Le mythe et la raison sont-ils compatibles ?

Publié le 27/02/2010

Extrait du document

Incipit  : Si le mythe est ce qui se raconte, un histoire racontée, le mythologique, la raison elle-même se raconte. Non seulement elle se raconte les faits du monde qu’elle ordonne, mais elle a également une histoire. Un bref regard sur le procès de constitution de la rationalité (scientifique) nous rappelle que la distinction exclusive entre mythique et rationnel est récente – tout comme la constitution disciplinaire des savoirs rationnels (Newton encore pratiquait l’alchimie, etc.). C’est en fait avec le positivisme comtien, durant la première moitié du 19 e siècle, que se formule catégoriquement l'hiatus du mythe à la raison.

Thèmes  : Abordons successivement, sur le mode thématique, l’analyse des deux notions qui constituent notre énoncé. (i) Le mythe  : sur le plan étymologique, le terme de ‘mythe’ se rapporte au discours, à ce qui se dit. Sa transmission se caractérise par l’oralité (susceptible à terme d’être transposée dans l’écrit). Dans la tradition grecque, sa forme est poétique, et donc obéit à des règles formelles strictes dont la fonction est premièrement mnémotechnique. Sur le plan du contenu, il se définit en partie par sa finalité. Celle-ci est toute à la fois cognitive et pratique. Au niveau cognitif, le mythe a pour fonction de rendre raison de l’ordre des choses du mondes, de les expliquer par leurs causes ; au niveau pratique, le mythe peut formuler des règles de conduite soit par prescription immédiate ( Les travaux et les jours , Hésiode), soit sous forme d’exemples à suivre comme idéal à réaliser (les personnages représentant des types comportementaux). (ii) La raison  : sur le plan étymologique, la notion de raison se laisse traduire dans la tradition philosophique par le terme de logos . Ce dernier signifie tant la rationalité systématique que l’acte du discours liant les choses pour les expliquer. La conjonction des ces deux propriétés définitoires implique que la raison peut se caractériser principalement par son formalisme : le raison est mise en forme des éléments ou faits du monde, leur intellection. Telle en est d’ailleurs la méthode : le raisonnement sur la base d’un système logiquement dont les règles (moyen instrumental) ont pour fonction d’en assurer la finalité, à savoir la détermination de la vérité. C’est ainsi que, dans le prolongement de l’art socratique de la définition par dichotomies successives visant la vérité du concept, Aristote a formalisé les règles du raisonnement correct dans ses œuvres de logiques. Le développement formel de la raison permet donc d’évaluer la validité d’une pensée en fonction de valeurs de vérité, le vrai et le faux.

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MYTHE L'interprétation philosophique

  • 1. Le langage du mythe
  • 2. L'intention signifiante du mythe
  • 3. Mythe et philosophie
  • 4. Bibliographie

Traitant ici uniquement des problèmes qui concernent la philosophie , c'est-à-dire des problèmes de sens et de vérité, on laissera de côté les discussions contemporaines sur le mythe en anthropologie et en histoire comparée des religions, ainsi que les questions d' origine , d'évolution, de fonction sociale. Il ne s'agira donc pas de placer le mythe sur le trajet supposé suivi par la religion depuis ses formes les plus primitives jusqu'aux religions supérieures, ni de se demander comment le mythe, considéré comme fait socioculturel, se place dans l'ensemble des phénomènes sociaux. On ne reprendra pas non plus le débat ouvert par les fondateurs de l'ethnologie religieuse concernant la question de savoir si le mythe est pré-logique et si la forme d'explication des choses qu'il véhicule atteste une mentalité primitive, irréductible à la logique des peuples civilisés. Le mythe sera envisagé ici comme une forme de discours qui élève une prétention au sens et à la vérité. Comme la philosophie est cet autre lieu du discours où la question du sens et de la vérité se trouve posée radicalement, qu'en est-il de la prétention du mythe par rapport au discours philosophique ?

Le fait initial d'où procèdent toutes les discussions ultérieures est que le mythe se prête à deux évaluations opposées, comme si deux « intérêts » contraires de la raison s'y trouvaient affrontés. D'un côté, la raison condamne le mythe ; elle l'exclut et le chasse ; entre muthos et logos , il faut choisir ; ainsi commença de dire Platon au livre II de La République , avant d'inventer lui-même des mythes. Il ne s'agissait pourtant encore que des mythes d' Homère , d'Hésiode et des tragiques ; mais l'hostilité de la philosophie est de principe : chercher le fondement, la raison d'être, exclut que l'on raconte des histoires ; il faudra donc tenir les mythes pour des allégories, c'est-à-dire pour un langage indirect où d'authentiques vérités physiques et morales sont dissimulées ; saisir ces vérités sous le vêtement du mythe, c'est du même coup rendre inutile l'enveloppe, une fois celle-ci percée à jour ; ainsi firent les stoïciens, sur la lancée du jeune Platon .

Ce refus rationaliste du mythe – endossé par les apologistes chrétiens à l'égard du paganisme – est retourné contre le christianisme lui-même par les rationalistes du xviii e siècle : les « superstitions » sont soit des puérilités, soit au contraire d'habiles fables inventées par les prêtres pour tromper le peuple. Les interprétations positivistes du xix e  siècle s'inscrivent dans la même perspective, dans la mesure même où la science moderne est l'héritière du logos grec ; les mythes découverts par l'histoire comparée des religions, principalement dans les deux grands domaines sémitique, d'une part, aryen et iranien d'autre part, ainsi que les mythes vivants découverts par l'ethnologie – mythes australiens, polynésiens, indiens – viennent se ranger sous le muthos grec, comme la raison moderne se range sous le logos grec. L'antique jugement des philosophes sur Homère et Hésiode est repris par l' esprit scientifique confronté aux mythes non classiques.

La critique moderne issue de Marx, de Nietzsche et de Freud, en dépit d'une argumentation très différente de celle du rationalisme classique, se situe dans le prolongement de cet exorcisme du mythe par la raison.

Le paradoxe de cette lutte est qu'elle n'en a jamais fini avec l'adversaire ; Platon lui-même écrit des mythes ; sa philosophie procède du mythe orphique et, d'une certaine façon, y retourne ; quelque chose nous dit que le mythe ne s'épuise pas dans sa fonction explicative, qu'il n'est pas seulement une manière pré-scientifique de chercher les causes et que la fonction fabulatrice [...]

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  • Paul RICŒUR : professeur émérite à l'université de Paris-X, professeur à l'université de Chicago

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Paul RICŒUR. MYTHE - L'interprétation philosophique [en ligne]. In Encyclopædia Universalis . Disponible sur : (consulté le )

RICŒUR, P.. MYTHE - L'interprétation philosophique . Encyclopædia Universalis . (consulté le )

RICŒUR, Paul. «  MYTHE - L'interprétation philosophique  ». Encyclopædia Universalis . Consulté le .

RICŒUR, Paul. «  MYTHE - L'interprétation philosophique  ». Encyclopædia Universalis [en ligne], (consulté le )

Sortie d'Égypte du peuple hébreu - crédits : British Library/ AKG-images

Sortie d'Égypte du peuple hébreu

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Revue d'études antiques

Accueil Numéros 78 Perspectives méthodologiques La raison dans le mythe (ou comme...

La raison dans le mythe (ou comment les récits traditionnels accommodent les formes nouvelles de rationalités)

L’émergence de la physique ionienne constitue à nos yeux une rupture épistémologique par rapport aux conceptions du monde antérieures. Des lors, la confrontation et le dialogue entre ces formes de pensée demeurent un instrument heuristique irremplaçable, dont nous nous proposons de montrer la pertinence sur deux exemples qui illustrent, chacun a sa façon, l’aptitude des récits mythiques à faire leur miel des notions et concepts, voire des procédures intellectuelles nouvelles en les intégrant à leur logique narrative. Dans le premier, on voit le théologien Tirésias se jouer plaisamment des allégories par lesquelles on réduisait les dieux et leurs tribulations a une description des éléments et phénomènes naturels. Pour le devin des Bacchantes , c’est Zeus en personne qui, allégoriste in concreto , substitue, afin de tromper son épouse vindicative, un morceau d’éther à Dionysos. Dans le second, le souverain de l’Olympe se livre à une véritable expérience scientifique, mesurant en géomètre-expert le monde sur lequel il règne mais dont il ignore le centre ; un monde qui devient pour les besoins de la cause aussi abstrait qu’un objet mathématique. Non seulement donc – comme on l’avait souligné depuis longtemps – la naissance en Grèce d’une pensée positive et critique n’a pas tari la veine créatrice mytho-poétique mais on constate que celle-ci a su s’emparer des théories et représentations nouvelles pour en nourrir ses affabulations non sans désamorcer ipso facto ainsi leur potentiel critique.

The emergence of Ionian physics constitutes to my mind an epistemological break away from the previous world views. The confrontation and dialogue between those forms of thought henceforward remain an irreplaceable heuristic tool, the pertinence of which we mean to propose from two instances which illustrate, each in its own way, the aptitude of mythical narratives to make the most of notions and concepts, even of new intellectual procedures by integrating them into their narrative logic. In the first instance, we see Tiresias the theologian deal playfully with the allegories wherewith the gods and their ordeals used to be reduced to a description of the elements and natural phenomena. For the soothsayer of the Bacchae, it was Zeus who, allegorist in concreto, in order to cheat his vindictive spouse, substitutes a piece of ether for Dionysos. In the second instance, the sovereign of Olympus carries out a real scientific experiment, measuring, as an expert surveyor would do, the world which he governs but the centre of which he is ignorant of : a world which for the purpose in hand becomes as abstract as a mathematical object. Not only therefore -as had long been emphasized- the birth in Greece of a positive and critical thought did not dry up the creative mytho-poetic strain but one can note that the latter was able to take hold of the new theories and representations to feed its fabrication, thereby depriving them ipso facto of their critical potentiality.

Entrées d’index

Mots-clés : , keywords: , texte intégral.

1 Mezzadri, 2004.

1 Le présent article reprend en substance la communication présentée au colloque de Toulouse sur le thème « Mythes et savoirs », en développant deux exemples relativement simples du mécanisme évoqué dans le sous-titre, à savoir « comment les récits traditionnels accommodent les formes nouvelles de rationalités » ; on en trouvera un troisième, plus complexe, dans une étude publiée par la revue Europe en 2004 1 .

  • 2 Citons, dans le champ des études grecques, l’amer que constitue Detienne 1981 et, parmi les nombreu (...)

2 Il ne saurait être question de rouvrir le débat théorique sur la légitimité de l’emploi des notions de « mythe » et/ou de « raison », concepts que les réflexions épistémologiques récentes ont contribué à rendre toujours plus suspects 2 . Il suffira de justifier a minima le titre principal : « la raison dans le mythe » afin de se prémunir contre les exorcistes patentés de l’« idéologie des années soixante », qui nous pourraient accuser de ressusciter de vieilles lunes, sinon de vieux démons.

  • 3 C’est le titre d’une section du recueil Mythe et société en Grèce ancienne (Vernant, 2007, p. 756-8 (...)
  • 4 ≪ Il nous semble cependant nécessaire, afin d’éviter les malentendus, de préciser pour l’un comme p (...)

3 Il s’agit bien, de fait, d’une référence (et d’un hommage) aux travaux de Jean-Pierre Vernant qui, dans la foulée de la démonstration conduite par Les Origines de la pensée grecque , avait intitulé l’une des sections de son recueil Mythe et pensée chez les Grecs  : « Du mythe à la raison ». Je n’ignore pas qu’aucun helléniste ou anthropologue ne se rallierait plus aujourd’hui à une telle formule, à commencer par ceux qui se réclament de l’héritage de Vernant ; lui-même, d’ailleurs, avait d’emblée modulé ces deux notions en les affectant du signe du pluriel et ne manquait jamais d’insister sur leurs interférences, que ce soit en parlant des « raisons du mythe » 3 ou en soulignant que la rationalité nouvelle qui naît en Grèce à la fin de l’époque archaïque ne saurait se confondre avec la raison en soi (concept purement idéaliste) : elle représente une forme de rationalité parmi d’autres. De leur côté, les diverses formes de discours que nous subsumons sous le nom unique de « mythe » ne sont pas imputables à un mode de pensée radicalement différent, uniforme et homogène ni a fortiori à une quelconque « mentalité primitive » 4 . On ne peut que louer cette prudence, qui nous incite à nous garder de tout ethnocentrisme et à reconnaître l’originalité et la complexité des divers systèmes de pensée (comme l’ambitionnait d’ailleurs déjà la « psychologie historique » de Meyerson sur les brisées de laquelle s’est engagé Vernant) ; ces avertissements constituent un rempart contre les deux écueils d’un essentialisme intemporel (posant l’existence d’une rationalité absolue, indépendante des temps et des lieux) et d’un évolutionnisme naïf (solidaire d’une idéologie scientiste du progrès ininterrompu et d’une survalorisation du mode de développement occidental).

4 D’autres cependant, sur la lancée d’un déconstructionnisme postmoderne, seraient tentés d’aller plus loin et de soutenir que la distinction même entre mythe et raison n’a pas lieu d’être et qu’il vaut mieux parler de multiples et toujours divers « programmes de vérité », parmi lesquels le type de rationalité né en Grèce (lui-même passablement hétérogène au demeurant) ne saurait prétendre à aucune spécificité ni constituer par conséquent une rupture significative par rapport aux conceptions du monde qui l’ont précédé. Il ne s’agit plus seulement alors de reconnaître le caractère historique et contingent de la naissance de la pensée scientifique grecque – qui lui confère sa spécificité et ses limites et lui interdit toute prétention à l’universalité –, mais de nier purement et simplement cet avènement : la singularité des modes de pensée qui émergent en Ionie au tournant du vi e siècle est alors dénoncée comme une illusion rétrospective et ethnocentriste qui accorderait indûment un statut privilégié à un programme de vérité parmi d’autres. Ces positions radicalement relativistes ne modifient pas uniquement l’idée que nous pouvons nous faire de l’histoire de la pensée dans l’Antiquité : elles ont pour conséquence ultime, quand elles sont tenues avec cohérence, de décrédibiliser toute approche scientifique des représentations religieuses ou mythiques (que ce soit celles de la Grèce ou d’ailleurs) au profit d’un éclectisme mou où chaque « programme de vérité » peut se réclamer d’une égale légitimité (et par voie de conséquence où une approche confessionnelle de la religion sera sur le même plan qu’une étude scientifique).

5 C’est contre ce double confusionnisme qu’il semble utile de proposer un retour à la problématique sous-jacente aux premiers travaux de Vernant (un Back to Vernant ) et c’est là le sens du titre un peu rétro que nous avions choisi. Précisons à toutes fins utiles que cette option rationaliste, qui prend acte d’une rupture épistémologique majeure corrélative de l’avènement de la cité et qui réaffirme la pertinence de la démarche scientifique en histoire des religions, se situe aux antipodes d’un discours axiologique butant à réhabiliter le miracle grec ou, qui pis est, à (ré) instaurer une hiérarchie des cultures.

6 Une manière de remplir le programme contenu dans le titre serait de rappeler, dans une optique lévi-straussienne, que les récits ou traditions qualifiés de mythiques, loin d’être absurdes ou incohérents, présentent des modalités d’organisation rigoureuses et répondent à des exigences intellectuelles de haut niveau ; les analyses structurales ont ainsi largement contribué à établir que « les hommes ont toujours pensé aussi bien » et que l’efficacité propre aux démarches scientifiques ne tient pas à la puissance supérieure de leur discours mais à la prise sur le monde que leur confère leur point d’application.

7 L’objet de cet exposé est beaucoup plus modeste et plus ciblé : en conservant (ne fût-ce qu’à titre heuristique) le principe d’une distinction, d’une coupure épistémologique, entre les représentations du monde traditionnelles – essentiellement véhiculées par des récits – et les nouvelles manières de rendre compte de l’univers élaborées par les philosophes et physiciens à l’époque archaïque, nous voudrions montrer sur des exemples précis comment les premières ont su non seulement se maintenir quand les secondes sont apparues, mais faire leur miel de ces dernières en les digérant et en les utilisant selon leur propre mode de fonctionnement, leur propre logique.

1. Un peu d’éther pour endormir Héra

8 Nous partirons d’une tirade des Bacchantes d’Euripide, où s’exprime explicitement une vision religieuse du monde puisque c’est un théologien, le devin Tirésias, qui parle en spécialiste pour tenter de convaincre, pendant qu’il en est encore temps, le roi Penthée de rendre un culte à Dionysos :

5 Bacchantes 286-297, traduction Jean et Mayotte Bollack. « Et tu te moques de lui parce qu’une suture l’a implanté dans la cuisse de Zeus ? Je vais te montrer que ce récit n’a rien d’incorrect. Quand il l’eut arraché au feu de la foudre, Zeus emmena dans les hauteurs de l’Olympe le bébé dieu. Héra voulait le jeter hors du ciel, mais Zeus, en dieu qu’il était, monta un contre-stratagème. Il casse un morceau, un « méros », de l’éther qui embrasse la terre dans un cercle. Il fabriqua ce Dionysos, fils de la querelle d’Héra, et le lui livra comme un gage, un « homéros » ; avec le temps, les hommes disent de lui qu’il a grandi dans la cuisse – « mèros » – de Zeus ; ils ont changé le sens du mot « homéros », gage, et inventé une histoire ; en fait le dieu un jour avait donné à la déesse, Héra, le gage de sa cuisse 5  ».

9 L’argumentation justifierait une analyse détaillée, qui en suivrait les méandres en repérant le jeu du conservatisme et de la réinterprétation grâce auquel une relecture moderniste réussit à sauver l’essentiel de l’ancienne tradition. Pour notre propos immédiat, il suffira cependant d’en décrire le mécanisme général.

6 Voir sur l’ensemble de la question Brisson 1996, p. 49-60 : ≪ L’allégorie ≫.

7 D’après une scholie a l’ Iliade (XX, 67) conservée par Porphyre.

10 On sait que l’allégorie est un des procédés les plus anciennement attestés de « rationalisation » des histoires mythiques concernant les dieux. L’une de ses variantes consiste à y reconnaître la transposition imagée de phénomènes naturels et à déceler derrière les puissances anthropomorphes les éléments constitutifs du monde physique ou les aspects variables de l’atmosphère (d’autres les interprètent en termes psychologiques ou moraux) 6 . Le premier à avoir recouru à ce type de lecture serait, pense-t-on, Théagène de Rhégion, dès le vi e siècle avant notre ère 7 .

8 Platon, Cratyle , 404c.

11 Héra en personne en fait les frais dans le Cratyle de Platon 8  ; d’évidence, affirme Socrate, elle représente l’air : pour s’en convaincre il ne tient qu’à prononcer son nom plusieurs fois de suite ; à répéter Héra-Héra-Héra, on finira par entendre aêr-aêr-aêr , soit le nom de l’air en grec : C.Q.F.D. ! Notons au passage que ce type de jeu de mots, qui repose dans le dialogue de Platon sur les présupposés d’une théorie linguistique, est assez analogue à ceux qui charpentent le raisonnement de Tirésias.

12 Mais cette dérive contrôlée – les glissements et substitutions entre méros , la partie, mèros , la cuisse, homéros , le gage –, support d’une argumentation qui exploite les ambiguïtés du signifiant pour conclure de l’homophonie à l’équivalence sémantique s’accompagne en l’occurrence d’une autre transformation, d’autant plus remarquable peut-être qu’elle ne s’appuie, elle, sur aucun fondement « étymologique ». Selon notre version réformée de la légende en effet, Zeus, afi de tromper Héra, fabrique un faux Dionysos destiné à remplacer le véritable nourrisson et donc à protéger ce dernier de la prévisible animosité de sa marâtre. Pour façonner cette idole, le dieu a recours, comme matériau, à un fragment d’éther. La substitution, opérée par Zeus, d’un élément physique à un dieu anthropomorphe reproduit évidemment – de façon symétrique et inverse – le procédé de rationalisation allégorique (on pourrait dire qu’il le parodie). Tandis que les philosophes, faisant fond, souvent, sur la similitude des « images phoniques », débusquent les réalités physiques dissimulées derrière les personnes divines, ici un dieu, modelant un élément naturel pour lui donner l’apparence d’un être anthropomorphe, procède à ce que l’on peut nommer une allégorie à l’envers. De telle sorte qu’une opération intellectuelle qui avait pour fonction, ou du moins pour conséquence, de démythifier les récits traditionnels (en les rendant moins invraisemblables puisqu’ils portent désormais, allusivement, sur le monde que nous voyons de nos yeux) se trouve (ré) intégrée comme une séquence narrative à l’intérieur d’un récit mythique tout à fait typique.

9 Iliade , XIV, 153-351.

10 Iliade , XIX, 95-133.

13 La nature de Dionysos, puissance aux affinités marquées avec l’élément igné et accouchée par le feu de Zeus, lui confère une certaine parenté avec l’éther qui peut justifier que l’on fasse de ce dieu, selon une lecture symbolique, le représentant du feu céleste ; dans le cadre du récit de Tirésias les mêmes connexions sont sans doute de nature à rendre la ruse de Zeus plus crédible : le faux Dionysos est plus convainquant d’être modelé en une matière idoine. Mais l’équation ne permet plus de fournir une réinterprétation des figures divines d’un point de vue extérieur (celui des physiciens), elle sert seulement de matrice pour engendrer une nouvelle variante d’un type de récit largement attesté ; de ce point de vue, la « version Tirésias » peut entrer en série avec d’autres fables analogues contant comment les puissances olympiennes se flouent réciproquement : cette « tromperie d’Héra » fera alors figure de réplique par rapport à la fameuse Dios apatê de l’ Iliade 9 ou à la ruse qui a privé Héraclès de son titre de roi au profit d’Eurysthée 10 . Ce n’est plus une démythification, mais une variante qui se situe de plain-pied avec le reste du corpus. Avec une habileté particulièrement retorse, le discours théologique de Tirésias ne s’éloigne donc de la version traditionnelle (la gestation dans la cuisse de Zeus) que pour en recomposer une nouvelle tout aussi mythique qui phagocyte (et par là rend inoffensif) le discours rationalisant de l’interprétation « physique ».

11 Hesiode, Théogonie , 453-506.

14 Peut-être y a-t-il davantage : car cette substitution d’un faux enfant au véritable nouveau-né, en vue de le protéger d’un parent menaçant, évoque plus précisément encore un autre épisode mythologique : la tromperie de Cronos par Rhéa qui, pour éviter qu’il ne dévorât ce rejeton comme les précédents, lui donna une pierre en lieu et place de Zeus 11 (et aussi un poulain en échange de Poséidon selon certaines versions). Replacées dans cet ensemble où les substitutions relèvent explicitement de la ruse et de la tromperie, les interprétations allégoriques apparaissent rétrospectivement elles aussi comme des opérations mystificatrices qui possédaient déjà leur prototype dans les récits traditionnels ; non seulement l’allégorisation est intégrée dans une nouvelle variante, mais le mécanisme intellectuel de substitution « métaphorique » sur lequel elle repose se révèle déjà à l’œuvre dans les antiques récits théogoniques où elle révèle son caractère de duperie.

15 Si l’on hésite devant cet ultime pied de nez du théologien au rationaliste, on retiendra du moins le procédé de désamorçage mis en œuvre à l’encontre du discours scientifico- philosophique nouveau : ce mode de pensée rationnel (qui était susceptible de déconstruire les vieux récits en les ramenant à des représentations plus positives ou plus abstraites et/ou en dénonçant leur caractère fictionnel) se trouve absorbé dans une nouvelle affabulation qui le digère et l’utilise à son profit.

2. Géométrie dans l’espace

  • 12 ≪ Les Ioniens situent dans l’espace l’ordre du cosmos ; ils se représentent l’organisation de l’uni (...)
  • 13 ≪ Monde à étages et où l’on ne peut passer, sauf conditions spéciales, d’un étage a un autre. De mê (...)
  • 14 ≪ Nous ne sommes plus dans un espace mythique ou le haut et le bas, la droite et la gauche, ont des (...)

16 Un autre trait caractéristique des systèmes d’explication du monde qui émergent à l’époque archaïque est leur conception géométrisante de l’espace 12  ; à l’image d’un monde hiérarchisé et religieusement marqué, écartelé entre des pôles de valeurs inégales et ponctué de lieux sacrés aux vertus singulières 13 , tend en effet à se substituer celle d’un univers homogène en ses parties, aucune de celles-ci ne possédant de position ou de statut privilégié par rapport aux autres ; l’expression la plus aboutie de ce penchant est sans doute la physique d’Anaximandre, qui pose comme principe non pas l’un des éléments traditionnels promus d’ordinaire à ce rôle par ses contemporains (la terre, l’air, le feu ou l’eau) mais l’ infini , l’ apeiron . Dans ce cosmos dépourvu de limites, la terre est située au milieu et sa fixité ne s’explique plus par le soutien d’un élément placé sous elle qui à la fois la maintiendrait et par voie de conséquence la dominerait : elle procède de sa centralité même, qui lui ôte toute raison de choir d’un côté plutôt que de l’autre 14 . Une telle figure, construite sur l’idée abstraite d’une symétrie rigoureuse, par rapport au centre, de tous les points de la circonférence, reflète la nouvelle conception du citoyen qui se fait jour alors ; au regard du méson – qui est aussi le koinon –, il se trouve dans une position rigoureusement équivalente et en droit interchangeable par rapport à tous ses homologues. Comme la koinonia politique, la cohésion de l’univers ne tient plus au pouvoir exercé sur lui par une puissance souveraine – le Zeus de la mythologie traditionnelle ou quelque puissance nouvellement promue – mais à un équilibre de ses parties constitutives, toutes égales entre elles.

  • 15 Vidal-Naquet, 1981, p. 95-121 (≪ Epaminondas pythagoricien ou le problème tactique de la droite et (...)

17 L’opposition entre ces deux formes (archaïque et moderne) de conception de l’espace apparaît avec un relief particulier dans l’explication que Pierre Lévêque et Pierre Vidal-Naquet ont proposée, en 1960, de la révolution tactique d’Épaminondas et des victoires inattendues qu’il avait remportées sur les Spartiates (Leuctres ou Mantinée) 15 . Selon les sources anciennes, le trait de génie du général thébain avait consisté à privilégier, dans l’organisation de sa phalange, le côté gauche, prenant ainsi le contre-pied de toute la tradition qui voulait que l’on massât les meilleures troupes à l’aile droite ; ce changement tactique, arguent P. Lévêque et P. Vidal-Naquet, ne relevait pas du simple domaine de l’activité militaire : il impliquait une véritable mutation intellectuelle. De fait, montraient-ils documents à l’appui, le privilège antérieurement accordé à la droite ne pouvait s’expliquer par de simples raisons pratiques ou techniques, il se comprenait uniquement si l’on resituait les combats dans une vision du monde plus large (que l’on peut, pour aller vite, qualifier de mythico-religieuse) et où l’espace terrestre n’est pas indifférencié mais au contraire polarisé et orienté selon des directions de valeurs diverses ; dans un tel monde, la droite n’est pas strictement équivalente à la gauche, elles n’ont pas la même valeur et placer ses meilleures troupes à gauche serait une infraction vis-à-vis de cet ordre symbolique, une faute susceptible d’entraîner les pires conséquences ; il n’était donc même pas concevable d’inverser l’ordonnancement des troupes. Pourquoi Épaminondas l’a-t-il osé ? C’est qu’entre-temps les mathématiciens et physiciens d’Ionie et d’Italie du Sud, puis leurs héritiers (peut-être plus particulièrement les milieux pythagoriciens avec lesquels Épaminondas aurait été en contact) avaient élaboré une nouvelle conception de l’espace : un espace homogène, non marqué, abstrait, dégagé donc des anciennes dénotations symboliques qui étaient associées aux directions dans la tradition mythique. À un espace qualitatif s’était substitué un espace indifférencié. Cette mutation intellectuelle était absolument indispensable pour que la nouvelle tactique pût être conçue : les victoires d’Épaminondas sont donc solidaires d’une nouvelle vision du monde.

18 Avoir rappelé les grands traits de cette mutation intellectuelle (dont le caractère de rupture épistémologique nous paraît indubitable, même si elle ne fut bien sûr ni soudaine ni universellement adoptée) nous permet peut-être d’observer d’un regard neuf l’une des légendes delphiques les plus célèbres, celle de l’origine de la pierre ombilicale, l’ omphalos . Un récit étiologique qui à la fois sert à expliquer la présence, près du monument sacré, de deux aigles en or et conforte les prétentions universalistes du sanctuaire apollinien en prouvant qu’il se trouve bien au centre du monde.

16 Drachmann 1910, p. 95 ( Ad Pythique IV, 1-7). Notre traduction (littérale).

19 Voici trois versions, pour l’essentiel concordantes, de l’anecdote : les deux premières sont empruntées aux scholies de Pindare 16 , la troisième, la plus intéressante pour notre propos, se lit chez Plutarque.

Un récit rapporte que Zeus voulant déterminer par la mesure ( katametrêsasthai ) le point le plus central ( to mesaitaton ) du monde habité, lâcha du couchant et du levant deux aigles égaux en vitesse ( isous kata to tachos ). Eux, volant à travers < l’espace > se rencontrèrent à Pythô, de telle sorte que leur point de rencontre ( sumptôsin ) fixa en ce lieu même le point le plus central de la terre. Par la suite, pour commémorer l’événement, il plaça aussi des aigles fabriqués en or dans le sanctuaire du dieu.
Aigles de Zeus : parce que, lâchés par Zeus des extrémités de la terre, ils se réunirent là et ainsi fut connu le centre de la terre ( houtôs egnôsthê to meson tês gês ). En image de quoi étaient placés, à proximité de l’omphalos, les aigles d’or.

20 Le texte de Plutarque reprend en substance l’anecdote mais la met en perspective en mentionnant la visite au sanctuaire d’un sceptique, Épiménide le Crétois :

17 De la disparition des oracles , 209 E. Notre traduction. D’après une tradition mythologique ( muthologousin ), ô Terentius Priscus, des aigles ou des cygnes, partis des extrémités ( apo tôn akrôn ) de la terre pour en atteindre le centre ( to meson ), se rencontrèrent ( sumpesein ) à Pythô, auprès de ce qu’on appelle l’omphalos. (Dans la suite des temps, Épiménide de Phaistos s’informa, dit-on, de l’exactitude ( elegchonta ) de ce récit auprès du dieu et, n’obtenant qu’un oracle obscur et ambigu, il dit : “Sur la terre ou la mer, point de nombril central ( mesos omphalos ), à moins qu’il ne soit perceptible ( dêlos ) pour les dieux, mais invisible ( aphantos ) pour les hommes.” Le dieu l’avait écarté avec raison, lui qui prétendait examiner une antique tradition comme l’on fait d’une peinture : en la touchant du doigt.) 17

18 Celui campe par Detienne, 1998.

21 La version de La Disparition des oracles recoupe celles transmises par les scholies. Tout au plus relèvera-t-on l’hésitation sur l’espèce des oiseaux utilisés pour l’expérience : les aigles de Zeus, en accord avec l’ornementation du monument, ou les cygnes prophétiques, plus apolliniens… Les deux variantes sont plus complémentaires que concurrentes, en un sanctuaire où le fils énonce, via la Pythie sa prophétesse, la volonté de son père, et la collaboration pour cette entreprise de mesure et de fondation, d’enracinement, du dieu arpenteur et architecte 18 par le truchement de ses volatiles de prédilection n’a rien de surprenant.

19 Iliade , V, 431-470.

22 En introduisant l’épisode de la visite d’Épiménide cependant – non moins « mythique », pour sûr, à nos yeux de modernes, que le récit dont le Crétois est censé avoir mis la véracité à l’épreuve –, Plutarque oppose explicitement deux modes de pensée conçus comme hétérogènes, ce qui lui permet de dénoncer l’impertinence d’une démarche intellectuelle « rationaliste » comme celle d’Épiménide pour aborder une vieille tradition : il ne faut pas appliquer aux mythes un raisonnement positiviste (vouloir les « toucher du doigt » : aphêi apopeirômenon )… En le déboutant ( êmunato ), le dieu marque la solution de continuité entre deux savoirs incommensurables et remet à sa place l’investigateur trop entreprenant (comme il ramène à la raison Diomède sur le champ de bataille 19 – car Apollon est un dieu distant qui aime, plus que tout autre, à rappeler l’infranchissable fossé qui sépare mortels et immortels).

  • 20 Sans exclure la possibilité d’un jeu de mot sur le nom de l’île de Delos, possible rivale de Delphe (...)

23 De fait, à en croire la formule citée par le philosophe de Chéronée, pour Épiménide soit le vieux récit serait franchement trompeur (s’il n’existe pas de centre sur terre – parce que le monde étant infini, ce centre est partout et nulle part ou parce que l’univers échappe par essence aux pauvres opérations des géomètres, dont le champ d’application est le seul monde sublunaire –, il n’a évidemment pu être déterminé par les dieux et fixé à Delphes) ; soit, si ce centre existe, le récit se targue abusivement de pouvoir révéler un savoir inaccessible en fait aux humains, a fortiori par le biais d’une historiette naïve ; il est même vraisemblable que l’adjectif dêlos (évident) 20 vise à faire porter la suspicion sur l’intrigue elle-même : à supposer que ce savoir relève de l’« évidence » pour les dieux, ils n’auraient nul besoin de recourir à une méthode empirique – bien trop humaine – pour connaître le point central de l’univers.

24 Quoi qu’il faille penser de ce portrait d’Épiménide en sceptique, ce qui importe dans un premier temps à notre démonstration est le partage qu’opère Plutarque en situant clairement le récit delphique dans le vieux fond mythologique et religieux ( muthologousin , avec un pluriel qui dit la multiplicité de la voix collective, véhicule de la tradition), et ce en opposition marquée avec les formes de pensée « modernes », plus positives et objectives dont le Crétois (un individu désigné par son nom propre, historiquement situé, en contrepoint de la collectivité indifférenciée sujet de muthologousin ) est, à tort ou à raison, présenté comme le suppôt. Sans négliger la complexité et les ambiguïtés sous-jacentes à cette construction, sur lesquelles nous reviendrons bientôt, ce constat suffit à établir qu’un locuteur indigène percevait l’hétérogénéité et l’antagonisme entre deux formes de rationalités, celle du mythe et celle attribuée à Épiménide, ainsi que le caractère critique et subversif que pouvait revêtir un questionnement des traditions anciennes selon les critères positifs.

  • 21 Voir Mezzadri, 1986, sur les liens logiques entre ces deux mythes qui articulent différemment les r (...)

25 Mais ce vieux mythe est-il si simple ? Il convient d’y regarder d’un peu plus près. A priori , il nous projette bien dans l’univers des dieux olympiens qu’Homère et Hésiode nous ont rendu familier. Le Zeus qui en est le protagoniste est conforme à l’image du souverain des dieux régnant sur les hauteurs du monde ; c’est ès qualités qu’il s’intéresse à l’espace céleste, son domaine par excellence, et qu’il sert de caution à l’implantation d’un monument central peaufinant la mise en ordre d’un cosmos dont sa victoire sur les Titans l’a rendu définitivement maître. Il est d’autant mieux fondé à s’y intéresser qu’une autre légende voit dans l’ omphalos le double même du roi des dieux : selon l’affabulation hésiodique, c’est en effet la pierre que Rhéa avait donnée à manger à Cronos en lieu et place de son fils qui aurait atterri à Pythô 21  ; enfin il recourt à ses serviteurs habituels et fidèles auxiliaires, les « chiens de Zeus » selon la frappante formule d’Eschyle, qui l’ont aidé aussi bien à châtier Prométhée qu’à enlever Ganymède et dont les affinités avec les espaces éthérés et la course du soleil sont évidentes. À supposer que l’on retienne les cygnes de préférence aux aigles, il est clair que nous restons dans la symbolique la plus traditionnelle pour dire que le centre ainsi déterminé sera un espace oraculaire et qu’il reviendra à Phoibos. Ajoutons enfin que l’intrigue elle-même donne à son héros des traits parfaitement anthropomorphes et intra-mondains : s’il exerce sur le monde le pouvoir suprême, il est loin d’en connaître tous les secrets.

  • 22 Mutatis mutandis , on songe aux raisonnements analogiques qui expliquent la constitution du monde pa (...)

23 Cf. Detienne et Vernant, 1976.

26 Car si un beau jour Zeus a eu l’idée de lâcher, depuis les extrémités du monde – que le lever et le coucher du soleil lui permettaient de repérer – deux aigles afin que leur rencontre déterminât le méson de l’univers et qu’il pût y installer le monument qui commémore cette expérience et qu’en retour elle justifie étiologiquement, c’est que le roi des dieux ne dispose pas de la science infuse (celle peut-être de ces divinités idéalisées et improbables d’Épiménide, pour qui le centre du monde relèverait du dêlon , de l’évident immédiatement connu) ; il ne recourt pas non plus cependant, à défaut, à une procédure de divination magico-religieuse, car si les oiseaux mobilisés ont compétence, à l’occasion, pour révéler l’inconnu dans une procédure mantique, et si le choix des cygnes dans l’une des versions connote indubitablement cette dimension du sanctuaire delphique, leur utilisation en l’occurrence s’inscrit dans une démarche pleinement positive : Zeus se livre à ce qu’il est difficile de ne pas nommer une expérience scientifique. Pour souverain suprême et maître de l’univers qu’il est, il est bien en peine néanmoins de dire où se trouve son milieu ; aussi procède-t-il, afin de le déterminer, à une vérification parfaitement empirique, en imaginant, avec les instruments qu’il a sous la main – ses oiseaux attitrés –, une procédure susceptible de répondre à la question qu’il se pose 22 . C’est là sans aucun doute une manifestation de la mètis , cette intelligence pratique en prise avec le monde concret du devenir, dont Zeus est si bien doué depuis qu’il a avalé la déesse éponyme 23 . Aucune aporie ne le laisse sans expédient et la perplexité se résout grâce à la mise au point d’un protocole élémentaire de vérification, bricolé avec les moyens du bord. Si cependant cette astuce, ce poros , apparaît comme un avatar d’un type d’intelligence traditionnellement associé au maître de l’Olympe, la forme particulière qu’elle revêt ici reçoit un relief singulier une fois replacée dans le contexte où Plutarque nous la livre. La question que se pose Zeus (« Où est le centre de la terre ? »), le procédé qu’il conçoit pour y répondre (la réalisation d’une expérience), la conclusion enfin qui découle mécaniquement de l’observation objective des données, l’expérimentateur se soumettant à « la leçon des faits » (il enregistre que c’est à Delphes que se sont rencontrés les deux oiseaux et homologue le résultat), tout cela ressortit clairement à la mise en œuvre d’une méthodologie positive que n’aurait pas désavouée un physicien ionien. Allons plus loin : Zeus procède exactement en l’espèce selon les voies rationnelles et positives que Plutarque reproche à Épiménide de retourner contre le mythe ; dans l’antithèse entre un savoir divin absolu et un savoir humain tâtonnant et empirique, le « truc » de Zeus relève clairement du second, avec ses expédients et ses inférences… À première lecture, on aurait pu penser que la mésaventure du Crétois se greffait sur ce récit sans motif spécifique ; elle aurait pu lui advenir au fond à propos de n’importe quel vieux récit qu’il aurait voulu scruter et éprouver avec la pierre de touche d’un esprit trop « moderne » et positiviste. Les remarques que nous venons de faire suggèrent une autre hypothèse : la visite à Delphes d’Épiménide met en œuvre les mêmes catégories intellectuelles et la même problématique que celles qui sous-tendent l’anecdote des aigles ; ou plus exactement, l’échec du philosophe repoussé par le dieu ne constitue ni un événement historique, ni même une légende rattachée accidentellement au récit initial mais une séquence à part entière d’un édifice narratif à plusieurs étages qui réfléchit sur les relations entre deux modalités de savoir.

  • 24 Dans une perspective différente mais complémentaire, on lira les analyses d’Alain Ballabriga (1986, (...)
  • 25 Rappelons que selon Agathemeros, Anaximandre fut le premier a dessiner la terre habitée sur un pina (...)

27 Car il y a davantage : non seulement Zeus raisonne et opère comme le feront ses collègues physiciens quand ils se heurteront au même type de problèmes, mais sa démarche n’a de sens que dans le cadre d’une conception de l’espace totalement abstraite et désincarnée 24 – un espace analogue à celui que promeuvent justement Anaximandre et ses contemporains 25 et dont les innovations d’Épaminondas exploiteront les opportunités dans le domaine de la tactique militaire. Pour que son résultat puisse être valablement entériné, il faut en effet imaginer que l’expérience se déroule dans un milieu où les oiseaux peuvent voler strictement à la même vitesse, sans rencontrer le moindre obstacle susceptible de les ralentir, sans être poussés par la plus petite brise, bref sans être soumis aux contingences inévitables d’un trajet réel ; pour n’être pas faussée, la vérification doit se produire dans un espace éthéré (au sens philosophique du terme), dans un vide parfait à l’abri des accidents, en un mot dans un lieu totalement abstrait. C’est dire que la conception de l’univers sous-jacente à ce récit (qui excède la subjectivité du protagoniste, Zeus, lequel ne fait que prendre en compte ce paramètre spatial pour concevoir son protocole expérimental) se distingue à la fois de l’univers religieusement orienté et qualitatif du « mythe » traditionnel (puisqu’il est homogène et mesurable, que l’est et l’ouest y jouent par leur équidistance par rapport au centre et non par des valeurs religieuses différentes) et de l’espace concret de la vie quotidienne (soumis à toutes sortes d’aléas). Seul répond aux exigences du récit l’espace abstrait construit par les mathématiciens et les géomètres dans le droit fil des physiciens d’Ionie et d’Italie du Sud ; formulée sous le couvert de la fable, nous assistons en fait à une expérience in vitro , voire purement intellectuelle, où les aigles sont des opérateurs aussi peu susceptibles d’être influencés par les conditions concrètes de leur existence et de l’extérieur que les vecteurs dans un plan géométrique ; ils ont au demeurant été définis d’emblée par leur stricte isomorphie, puisque le texte a pris soin de préciser que Zeus les choisit isous to tachos  : égaux en vitesse (sans qu’il nous soit dit comment cette qualité a pu être vérifiée !). Ces aigles absolument symétriques et interchangeables sont aussi abstraits que l’espace à travers lequel ils déploient leurs ailes.

28 Voilà donc Zeus devenu géomètre, et l’on perçoit ici comment la pensée « mythique », identifiée comme telle par un locuteur grec (Plutarque) – ce qui nous met à l’abri du reproche de projeter sur les textes anciens des catégories modernes –, enregistre les innovations des « physiciens » et les intègre à ses affabulations. De manière purement théorique (car il ne saurait être question, il va sans dire, de rechercher une version « originale » du récit qu’aurait occultée l’insertion de représentations modernes), on pourrait distinguer deux pôles et trois strates : l’espace qualitatif de la tradition ancienne (où droite et gauche, est et ouest sont impermutables, spatialement hétérogènes ; militairement, celui d’avant Épaminondas) ; l’espace homogène et abstrait, indifférencié, de la physique ionienne et des mathématiciens grecs (homogène, symétrisable et réversible) ; la réabsorption des conceptions « modernes » à l’intérieur d’un récit qui les adapte à sa « logique du concret » et aux représentations traditionnelles des divinités anthropomorphes, pour ancrer dans ce monde-ci (Delphes) un centre religieux garanti par une procédure quasi abstraite. Le bénéfice de l’opération est clair, qui déplace la méthodologie scientifique dans l’Olympe et lui fait cautionner l’implantation traditionnelle de l’ omphalos .

29 On comprend alors que l’historiette, qui semblait pourtant fort simple à première vue, comporte in nuce la problématique que la visite d’Épiménide puis l’interprétation qu’en donne Plutarque déploient et répercutent comme en écho (ce qui ne permet pas davantage, bien sûr, de fonder une chronologie « historique », mais seulement une succession « logique ») ; chacune des deux interventions, celle du mage de Phaistos et celle du prêtre de Chéronée, reformule en effet le même contraste entre savoir humain et savoir divin et débouche au fond sur la même ambiguïté. Le principe de l’antithèse est conservé mais la frontière se déplace de l’un à l’autre, de sorte que les pôles s’inversent.

30 Si l’on en croit Plutarque en effet, la ligne de partage des eaux passe entre le récit traditionnel (porteur de vérité profonde) et la curiosité à courte vue d’Épiménide qui lui applique indûment les procédures de réfutation ( elegchonta ) et d’enquête rationalistes et positivistes, et se trouve de ce fait disqualifié par le dieu ; le jugement du Crétois apparaît dans cette perspective comme une profession de foi sceptique qui décrédibilise les croyances traditionnelles : après collecte et examen des informations disponibles, on conclut par un non liquet … Contre ce pyrrhonisme avant l’heure, Plutarque défend la valeur de la Tradition.

  • 26 Dans un texte aussi retors, il n’est peut-être pas inopportun de noter que la structure du vers réa (...)
  • 27 Il faudrait comprendre alors que l’aporie ne tient pas à la difficulté de déterminer le centre de l (...)

31 Si cependant l’on examine les vers attribués à Épiménide, on se rend compte que lui aussi distingue entre deux sortes de savoir, l’un nécessairement limité et qui ne peut espérer atteindre le fond des choses : celui des hommes ; l’autre, celui des dieux qui est le seul solide : s’il est un centre – ce que les dieux seuls sont à même de savoir –, il est pour eux évident : dêlos , mais inaccessible en revanche pour les hommes ( aphantos ). Du même coup le récit qui était censé révéler à ceux-ci la manière – par trop humaine – dont Zeus et les siens auraient acquis un savoir (qu’ils possèdent en fait de toute éternité sur le mode de l’évidence immédiate) est rejeté du côté du mythe, au sens négatif de récit invérifiable et sans fondement solide. On peut même se demander si l’impossible coïncidence entre les deux modes de connaissance n’est pas concentrée dans l’expression placée au centre du premier vers (entre les deux expressions symétriques oute gaiês / oute thalassês ) : mesos omphalos 26 . Il semble en effet, comme l’a soutenu de façon convaincante Alain Ballabriga dans la foulée de Louis Gernet et Jean-Pierre Vernant, que chacun de ces deux termes qui désignent le centre soit porteur d’une connotation différente : l’ombilic se rattache plutôt aux vieilles représentations de l’enracinement associées à une conception anthropomorphique et concrète de la terre ; le méson est plus détaché et plus abstrait. L’un serait donc plus terrestre, l’autre plus géométrique ; en niant l’existence d’un omphalos qui serait mesos , le poète crétois pourrait donc affirmer l’hétérogénéité des deux sortes de centre et partant des deux formes de pensée qui les utilisent 27 . Corrélativement la puissance, au sens mathématique du terme, de l’histoire des aigles de Zeus tiendrait précisément en ce qu’elle articule les deux notions, établissant que l’ omphalos est bien un méson (au sens géométrique strict du terme).

32 La construction en abîme du texte de Plutarque (mythe étiologique/enquête d’Épiménide/ glose critique de Plutarque), avec ses jeux de miroir et ses ambiguïtés, se reflète donc dans l’ambivalence fondamentale du récit qui lui sert de noyau.

28 Ramnoux, Encyclopaedia Universalis , s. v. Epiménide.

  • 29 Tenu pour theophilestatos par les Grecs, aux dires de Diogène Laërce ( Epiménide , 109), il serait le (...)

33 Il est dès lors légitime de s’interroger sur la fonction symbolique du choix d’Épiménide pour faire les frais de la rebuffade du dieu. Il ne semble pas en effet que le mage extatique aux allures de shaman , célèbre pour son sommeil cataleptique de plusieurs décades en une caverne, grand cueilleur de simples et consommateur de nourriture divine, « devin, purificateur, expert en rituels anciens et peut-être adonné aux techniques chamanistiques venues du Nord », qui a laissé « des oracles, des poésies religieuses dont les lambeaux se retrouveraient parmi les recueils de tradition orphique, un poème épique sur la légende des Argonautes et une théogonie… », pour citer le portrait qu’esquisse à grands traits Clémence Ramnoux 28 – que cet ami des dieux 29 , ce theios anêr en un mot, apollinien d’allure et proche de Phoibos tant par ses dons divinatoires que par son aptitude à laver les souillures, soit a priori le mieux placé pour incarner le type du sceptique positiviste, de l’enquêteur soupçonneux qui n’accepte de croire que ce qu’il peut toucher du doigt tel un saint Thomas de l’ omphalos , d’autant que son acribie suspicieuse s’exerce précisément au détriment du sanctuaire de sa divinité de prédilection dont il sape au passage la prétention à la centralité.

  • 30 Puisque celui qui affirme que les Cretois sont menteurs est lui-meme Cretois, il ment donc : les Cr (...)

34 Certes, nous l’avons dit, le montage plutarchéen fournit lui-même les moyens, grâce à la citation enchâssée, de nuancer l’image du visiteur de Delphes. Elle joue, dans le texte du philosophe, un rôle analogue au mésos omphalos dans le poème d’Épiménide, minant le discours à l’intérieur duquel elle se trouve et qu’elle est censée illustrer : le vers du Crétois niait l’existence de l’ omphalos central tout en plaçant l’ omphalos au centre du vers, entre terre et mer ; Plutarque dénonce le positivisme à courte vue d’Épiménide au moyen d’une citation particulièrement sophistiquée qui… place le savoir divin au-delà des méthodes d’investigation humaines. On peut même se demander si ce n’est pas cette logique « déconstructionniste » du témoignage, où la vérité se réfracte d’étage en étage et s’échappe au moment où on croit la saisir, où les « régimes de vérité » se combinent autant qu’ils s’opposent, qui appelle la figure du plus célèbre des menteurs ; dans le paradoxe que lui attribue la tradition en effet, on observe la même oscillation du vrai au faux, à l’infini 30 .

31 On lira la belle analyse que donne de ce rituel Jean-Louis Durand (1990).

  • 32 Diogène Laërce, Epiménide , 109 (Goulet-Caze et al. , p. 146). Il serait d’ailleurs le fondateur, a A (...)

33 Durand, 1990, p. 279.

35 Mais pour la question qui nous occupe, un autre épisode de la geste du mage mérite notre attention, car il met à l’œuvre une problématique ouvertement spatiale. Il s’agit de son intervention purificatrice à Athènes 31 , à l’instigation de la Pythie 32 . Il y aurait, dit-on, rencontré Solon, son homologue en sagesse, mais dépourvu des talents mantiques indispensables en l’occurrence. L’appel au plus réputé des cathartes est justifié par l’état de souillure dans lequel la cité se trouve plongée suite à la mise à mort, par les Alcméonides et leurs suppôts, de Cylon et de ses partisans, accusés d’aspirer à la tyrannie ; le crime est d’autant plus grave qu’il a été commis sur l’autel même des Érinyes/Euménides auprès duquel les conjurés s’étaient réfugiés en suppliants. Violation de l’asylie du sanctuaire et confusion du meurtre et du sacrifice font de cette exécution un acte particulièrement abominable, et les dieux manifestent leur courroux en envoyant un loimos qui tarit la fécondité du sol, des hommes et des bêtes. L’expulsion des responsables ne suffit pas et il faut y adjoindre une procédure proprement religieuse, dont Épiménide est chargé. Voici comment il opère : il réunit un troupeau de victimes sacrificielles, des brebis – cinquante noires et cinquante blanches – et les conduit sur l’Aréopage, au centre de la cité et sur les lieux du crime parce que, comme le dit Jean-Louis Durand, il faut « du centre repartir à zéro […], réeffectuer proprement sur place l’opération territoriale de fondation 33  ». En effet, comme si le territoire de la ville était redevenu vierge, comme si tous ses repères avaient été effacés par le meurtre inexpiable, l’opération vise à réinscrire sur le terrain des autels, points d’ancrage de l’activité religieuse : « Tels un troupeau que le pasteur accompagne, ici en le suivant – le terme pastoral serait pousser ( elaunein ) –, les moutons vont partir de l’épicentre du loimos et parcourir librement – mais un par un, ainsi qu’un troupeau éclaté – la cité ensauvagée en agros par la pollution, affecté chacun d’un suiveur rituel ( akolouthos ). Mené par la bête là où elle veut, le suiveur a pour fonction d’aller jusqu’au bout de ce parcours […]. Les instructions du Purificateur sont en effet clairement explicites. Lorsque le mouton se couchera, marquant ainsi le bout du chemin, ordre est donné de la sacrifier ( thuein ), à l’endroit même en l’honneur de la divinité “adéquate” 34 . » Les autels qui scanderont de leur maillage l’espace athénien régénéré sont de toute évidence des points religieux privilégiés, comme l’est l’omphalos de Delphes ; mais il est important de noter que les deux procédures, celle employée par Zeus pour fixer le centre des terres, celle mise en œuvre par Épiménide pour « réinitialiser » l’espace d’Athènes aux repères abolis, sont rigoureusement symétriques et inverses. Dans un cas, le centre est à découvrir à l’intérieur d’un monde déjà polarisé ; dans l’autre il est connu – c’est même, dans la situation d’égarement radical où se trouve Athènes, le seul point connu. Il s’ensuit que le mouvement de l’expérience joviale est centripète, tandis que le trajet des bêtes d’Épiménide est centrifuge ; le premier est unificateur, centralisateur, le second conduit au contraire à un éclatement ; celui-là bute vers l’un, celui-ci vers le multiple (d’autant plus nettement que le troupeau a été constitué comme une « totalité » par son nombre – 100 – aussi bien que par l’association par moitié du blanc et du noir, ensemble donc dans le système décimal, comme dans le cadre d’une polarité binaire). Mais le plus important, bien sûr, est l’antithèse entre le caractère rigoureux et scientifique de l’expérience de Zeus, dont le résultat n’est que la solution d’un problème de géométrie dans l’espace, et le refus de toute maîtrise qui préside à la refondation d’Épiménide : la méthode consiste précisément à n’avoir recours à aucun instrument humain, à renoncer à toute division systématique de l’espace urbain pour se laisser guider par les déplacements aléatoires des animaux livrés à eux-mêmes (l’opposition est nettement soulignée, chez Diogène Laërce, entre la première étape, qui consiste à conduire le troupeau à l’Aréopage, et la seconde où au contraire on le laisse aller ) ; elle est parfaitement anti-scientifique et entraîne évidemment un balisage de l’espace radicalement différent de celui que produirait un découpage géométrique ; pour parler en termes athéniens (puisqu’aussi bien c’est chez Solon que le Crétois déploie ses talents), la procédure est fondamentalement anti-clisthénienne.

35 Entendons, il va sans dire, le choix du personnage d’Epiménide pour jouer ce rôle…

  • 36 On verra, dans l’article cite note 1, comment la problematique mise en oeuvre dans cette communicat (...)

36 La comparaison entre les deux récits du point de vue de leur conception de l’espace nous donne peut-être la clef de l’énigmatique intervention d’Épiménide à Delphes 35 et de son opposition à la légende rationalisante des origines de l’ omphalos  : il en ressort en effet deux conceptions de l’espace sacré. L’une suppose un territoire ponctué de lieux saints dont la nature profonde est obscure et qui ne peuvent être repérés que par des moyens de type divinatoire, comme le fait de suivre un animal religieusement qualifié (on songe, bien sûr, aux fondations de cités sur un lieu indiqué par un animal, comme Thèbes fondée par Cadmos là où s’est couchée la vache guide désignée par Apollon) ; elle suppose une cartographie du monde passablement anarchique et un espace hétérogène, puisque les lieux qualifiés possèdent une nature et des pouvoirs dont les autres sont dépourvus. Selon la seconde, l’espace est au contraire homogène, et la centralité religieuse coïncide avec la centralité géométrique. Dans la première, il peut bien y avoir un omphalos ou d’autres épicentres religieusement chargés, mais ils ne sont pas accessibles à l’homme, sinon via la divination ou le rituel ; pour l’autre, omphalos et méson coïncident 36 .

Bibliographie

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Vernant , J.-P., 2007, Œuvres. Religions, rationalités, politique , Le Seuil, Paris (2 volumes).

2 Citons, dans le champ des études grecques, l’amer que constitue Detienne 1981 et, parmi les nombreux et importants travaux que Claude Calame a consacres a la question, le premier chapitre de Calame 1996 (≪ Illusions de la mythologie ≫) ainsi que l’entretien publie par Europe (Mezzadri & alii 2004), ≪ Du muthos des anciens grecs au mythe des anthropologues ≫, p. 9-37.

3 C’est le titre d’une section du recueil Mythe et société en Grèce ancienne (Vernant, 2007, p. 756-809 ; le livre a ete publie en 1974).

4 ≪ Il nous semble cependant nécessaire, afin d’éviter les malentendus, de préciser pour l’un comme pour l’autre notre position. En intitulant Du mythe a la raison l’étude qui termine ce volume, nous ne prétendons pas traiter de la pensée mythique en général, pas plus que nous n’admettons l’existence d’une pensée rationnelle immuable. Nous soulignons au contraire, dans nos dernières lignes, que les Grecs n’ont pas invente la raison mais une raison, liée à un contexte historique, différente de celle de l’homme d’aujourd’hui. Il y a de même, croyons-nous, dans ce qu’on appelle la pensée mythique des formes diverses, des niveaux multiples, des modes d’organisation et comme des types de logique différents. ≫ Vernant, 2007, p. 247 (Il s’agit de la préface de Mythe et pensée chez les Grecs , 1965). Malgré son caractère on ne peut plus explicite, cette mise au point n’a pas suffi à ≪ éviter les malentendus ≫ et il n’est pas rare de voir opposer a Vernant… ce qu’il écrivait en 1965 presque mot pour mot…

5 Bacchantes 286-297, traduction Jean et Mayotte Bollack.

12 ≪ Les Ioniens situent dans l’espace l’ordre du cosmos ; ils se représentent l’organisation de l’univers, les positions, les distances, les dimensions et les mouvements des astres d’après des schémas géométriques ≫ (Vernant, 2007, p. 230 = Les Origines de la pensée grecque , 1962, chapitre ≪ La nouvelle image du monde ≫).

13 ≪ Monde à étages et où l’on ne peut passer, sauf conditions spéciales, d’un étage a un autre. De même sur cette terre les directions de l’espace sont différentes : la droite est faste, la gauche est mauvaise. L’Orient et l’Occident ont des qualités religieuses qui ne sont pas les mêmes ≫ (Vernant, 2007, p. 426 = Mythe et pensee chez les Grecs , 1965, chapitre ≪ Géometrie et astrologie sphériques dans la première cosmologie grecque ≫). Souligne par nous.

14 ≪ Nous ne sommes plus dans un espace mythique ou le haut et le bas, la droite et la gauche, ont des significations religieuses opposées, mais dans un espace homogène constitue par des rapports symétriques et réversibles. […] Anaximandre admet l’existence des antipodes et on est en droit de penser […] que ce qui apparait comme le haut constitue pour les habitants des antipodes le bas, ce qui forme notre droite se trouve pour eux a gauche. Autrement dit, les directions de l’espace n’ont plus de valeur absolue. La structure de l’espace, au centre duquel siège la terre, est de type véritablement mathématique ≫ (Vernant, 2007, p. 427 ; cf. aussi p. 230-231 : ≪ Aucun élément ou portion du monde ne s’y trouve plus privilégié aux dépens des autres ≫).

15 Vidal-Naquet, 1981, p. 95-121 (≪ Epaminondas pythagoricien ou le problème tactique de la droite et de la gauche ≫).

17 De la disparition des oracles , 209 E. Notre traduction.

20 Sans exclure la possibilité d’un jeu de mot sur le nom de l’île de Delos, possible rivale de Delphes dans la prétention à être le centre du monde ( cf. Ballabriga, 1986, p. 16-22 : ≪ Hypothèse sur Delos et ses environs comme centre cosmique ( Odyssee , XV, 403-414) ≫) ; dans ce cas, la réplique d’Epiménide serait une réponse du berger à la bergère (sur cet aspect pastoral, nous revenons infra ) par rapport a l’oracle ambigu d’Apollon (pour les dieux il est évident ; pour les dieux, c’est… Delos – tandis que les hommes croient que c’est Delphes ?). Ce langage ambivalent, comme la forme versifiée, fait de la réplique épiménidéenne un écho aux énoncés pythiques, réputés pour leur obscurité ; elle ne messied pas non plus au sage à qui l’on attribuait le fameux paradoxe du menteur…

21 Voir Mezzadri, 1986, sur les liens logiques entre ces deux mythes qui articulent différemment les relations entre le centre et les extrémités, l’un en termes temporels, l’autre en termes spatiaux ; la pierre avalée par Cronos au lieu du dernier de ses enfants est en effet revomie la première par le dieu quand il est réduit a quia .

22 Mutatis mutandis , on songe aux raisonnements analogiques qui expliquent la constitution du monde par l’image d’un crible que l’on agite ou par celle d’une eau boueuse qui tourne dans un recipient, les parties les plus lourdes restant au centre ( cf. Vernant, 2007, p. 425).

24 Dans une perspective différente mais complémentaire, on lira les analyses d’Alain Ballabriga (1986, p. 11-16 : ≪ A propos de Delphes : différence entre les notions d’ omphalos et de meson . D’une certaine réticence des Grecs devant l’idée d’un omphalos grec ≫).

25 Rappelons que selon Agathemeros, Anaximandre fut le premier a dessiner la terre habitée sur un pinax  ; l’auteur ajoute : les anciens figuraient la terre habitée comme ronde, avec la Grèce au centre et Delphes au centre de la Grèce. Voir Vernant, 2007, p. 235.

26 Dans un texte aussi retors, il n’est peut-être pas inopportun de noter que la structure du vers réalise graphiquement, en plaçant l’expression mesos omphalos en son centre, entre terre et mer ( gaies / thalasses ), ce que précisément elle nie sémantiquement.

27 Il faudrait comprendre alors que l’aporie ne tient pas à la difficulté de déterminer le centre de l’univers, mais à l’impossibilité de faire se rejoindre deux ≪ régimes de vérité ≫ hétérogènes…

29 Tenu pour theophilestatos par les Grecs, aux dires de Diogène Laërce ( Epiménide , 109), il serait le premier a avoir purifie les maisons et les champs et à avoir fonde des sanctuaires (Goulet-Caze et al. , p. 146 et 148).

30 Puisque celui qui affirme que les Cretois sont menteurs est lui-meme Cretois, il ment donc : les Cretois ne sont pas menteurs, mais alors… etc.… etc.…

32 Diogène Laërce, Epiménide , 109 (Goulet-Caze et al. , p. 146). Il serait d’ailleurs le fondateur, a Athènes, du sanctuaire des Déesses Augustes, rapporte Lobon d’Argos, cite par le même Diogène ( Epiménide , 112 Goulet-Caze et al. , p. 148).

36 On verra, dans l’article cite note 1, comment la problematique mise en oeuvre dans cette communication est susceptible d’eclairer aussi certains aspects du mythe de Thesee. Dans ce cas, l’enjeu, plus radical, n’est pas la representation abstraite de l’espace ni les interpretations allegoriques des dieux, mais les principes logiques de non-contradiction et du tiers exclu.

Pour citer cet article

Référence papier.

Bernard Mezzadri , « La raison dans le mythe (ou comment les récits traditionnels accommodent les formes nouvelles de rationalités) » ,  Pallas , 78 | 2008, 17-31.

Référence électronique

Bernard Mezzadri , « La raison dans le mythe (ou comment les récits traditionnels accommodent les formes nouvelles de rationalités) » ,  Pallas [En ligne], 78 | 2008, mis en ligne le 13 janvier 2009 , consulté le 24 avril 2024 . URL  : http://journals.openedition.org/pallas/13974 ; DOI  : https://doi.org/10.4000/pallas.13974

Bernard Mezzadri

Université d’Avignon

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Peut-on s'en passer du mythe

Par thiam461   •  3 Avril 2019  •  Dissertation  •  1 115 Mots (5 Pages)  •  4 260 Vues

I. INTRODUCTION L’homme a toujours pris sur l’univers un certain recul afin de l’expliquer et de le transformer. Il prend donc ses distances pour représenter le monde afin de le dompter. Le mythe traduit ainsi l’une des premières formes d’existence de la pensée humaine. Mais cependant il reste irrationnel. Or le monde actuel met la raison sur un piédestal pour dire que c’est le règne du logos (raison, logique, rationnel, calcul) et la chute ou le dépassement du mythe, l’irrationnel. n-est-il dans ce sens que le sujet nous pose : peut-on s’en passer du mythe. Autrement dit est ce que le mythe est révolu. Le sujet semble nous inviter à réfléchir sur le dépassement du mythe. Pour prendre en charge ce problème nous allons articuler notre réflexion au tour de deux axes majeurs à savoir Dans quelle mesure peut-on s’en passer du mythe ? L’affirmation de la question précédente ne comporte-t-elle pas des limites ? II. Développement A. Thèse Depuis Descartes en passant par la siècle des lumières et le positivisme, le monde contemporain a mis la raison au-devant de la scène. Ce qui sous-entend que le mythe est exclu des procédures intellectuelles. Donc seul compte le fait scientifique fruit de l’observation et de l’expérimentation En effet si c’est dans la nature de l’homme de vouloir tout expliquer, de rendre raison de tout, de connaitre le pourquoi et le comment des choses, pour dire connaitre donc c’est faire un effort pour comprendre et expliquer. Nous comprenons par-là que le mythe est caduque du fait qu’il ne connait pas le comment des choses et même le pourquoi car comprendre le pourquoi des choses c’est savoir l’expliquer de façon rationnelle. Donc nous voyons que cette connaissance qui est le mythe n’est pas fondée sur la raison, d’ailleurs elle est souvent trompeuse et ne peut nous faire dépasser le stade de l’opinion de la croyance de l’enfance de l’esprit. Ainsi nous pouvons dire que la science c’est-à-dire la connaissance rationnelle semble couronner l’évolution du savoir De-là-sorte il n’y’a de savoir, de certitude que celui du rationnel car il sied la preuve, la mesure ou la quantification. En fait la réflexion se caractérise par un effort constant pouvant expliquer les phénomènes naturels par l’établissement d’une relation d’assimilation. D’abord à partir de l’explication du principe de causalité ou du déterminisme qui stipule que les phénomènes naturels entretiennent des rapports constant de type déterministe, la connaissance de la cause permet de prévoir l’effet. Une fois que ce type causalité établit, l’esprit s’efforce de comprendre le mécanisme par la mise en place d’hypothèses tendant à l’expliquer. C’est cet effort d’investigation qui a permis de comprendre le mécanisme de fonctionnement de l’univers dans lequel nous évoluons. Ainsi nous comprenons que la science établit une seconde relation entre les choses et l’esprit par l’expérimentation ou la preuve ce qui n’est pas le cas du mythe qui constitue un obstacle épistémologique. Par-ailleurs le mythe est un obstacle épistémologique et on entend par obstacle épistémologique tout ce qui bloque l’accès à la connaissance rationnelle par-là on suppose que l’esprit humaine qui accède à la maturité c’est-à-dire qui embrasse la science doit s’en passer du mythe de l’irrationnel même car l’homme a besoin d’appréhender le réel De tout ce qui précédent nous pouvons dire que le mythe est caduque

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– La raison a-t-elle des limites ?

– La raison est-elle un maître intérieur ?

– La raison nous permet-elle de dépasser nos conflits ? – La raison peut-elle nous décevoir ?

– La raison peut-elle rendre raison de tout ? – La raison peut-elle tout expliquer ? – Le bon sens a-t-il toujours raison ?

– Le doute est-il une imperfection de la raison ? – Peut-on connaître sans méthode ?

– Peut-on être trop raisonnable ?

– Peut-on faire un usage déraisonnable de la raison ? – Peut-on toujours se fier à la raison ?

– Pour juger, faut-il seulement apprendre à raisonner ? – Pouvons-nous ne pas croire en la raison ?

– Qu’est-ce qu’être raisonnable ?

– Que peut la raison pour exclure la violence ?

– Raisonne-t-on bien lorsqu’on veut avoir raison à tout prix ? – Raisonne-t-on bien quand on veut avoir raison à tout prix ? – Suffit-il d’avoir raison pour convaincre ?

– Suffit-il d’être certain pour avoir raison ?

– Suffit-il de bien raisonner pour être raisonnable ? – Y a-t-il des opinions raisonnables ?

– Y a-t-il un mauvais usage de la raison ? – Y a-t-il une explication rationnelle à tout ?

▪ La raison et le bonheur

– La connaissance rationnelle comble-t-elle toutes les attentes de l’homme ? – Obéir à la raison suffit-il à rendre heureux ?

– Peut-on apprendre à être heureux ?

– Pour être heureux, faut-il être raisonnable ? – Suffit-il d’être raisonnable pour être heureux ?

▪ La raison et la conscience

– Le doute est-il une force ou une faiblesse ?

– Peut-on penser sans douter ?

▪ La raison et le langage

– Est-il raisonnable de se quereller pour des mots ? – Faut-il toujours éviter de se contredire ?

– La conviction d’avoir raison fait-elle obstacle au dialogue ?

▪ La raison et la liberté

– Faut-il être raisonnable pour être libre ? – Un choix peut-il être rationnel ?

▪ La raison et la nature

– L’homme est-il raisonnable par nature ?

▪ La raison et la religion

– Est-il déraisonnable de croire en Dieu ?

– La raison entre-t-elle nécessairement en conflit avec la religion ? – La religion est-elle contraire à la raison ?

– La religion est-elle étrangère à la raison ?

– La science peut-elle faire disparaître la religion ? – Les croyances religieuses sont-elles irrationnelles ?

▪ La raison et la science

– Faut-il renoncer à s’interroger sur ce qui est hors de portée de la connaissance scientifique ?

– La rationalité scientifique satisfait-elle tous les besoins de la raison ?

▪ La raison et la technique

– Est-ce raisonnable d’avoir peur du progrès technique ?

– L’invention technique relève-t-elle de la raison ou de l’imagination ? – La raison se reconnaît-elle dans la technique ?

– La technique échappe-t-elle à la raison ?

▪ La raison et le temps

– Est-il raisonnable de lutter contre le temps ?

– Y a-t-il une connaissance rationnelle de ce qui change ?

▪ La raison et la vérité

– Comment peut-on savoir que l’on a raison ? – Comment puis-je savoir si j’ai raison ?

– Est-ce seulement par la raison qu’on peut accéder à la vérité ? – Est-il raisonnable de prétendre posséder la vérité ?

– La cohérence d’une pensée suffit-elle à garantir sa vérité ? – La raison est-elle la source de toute vérité ?

– La vérité est-elle un produit de la raison ?

– Peut-on avoir de bonnes raisons de ne pas dire la vérité ?

– Peut-on être sûr d’avoir raison ? – Qu’est-ce qui fonde nos certitudes ? – Y a-t-il des opinions indéfendables ?

– Y a-t-il des vérités qui échappent à la raison ?

▪ La raison et la croyance

– Croire sans savoir, est-ce raisonnable ? – Croire, est-ce renoncer à la raison ?

– Faut-il préférer la connaissance à la croyance ? – La croyance est-elle un échec de la raison ?

– La raison s’oppose-t-elle à toute forme de croyance ? – La raison s’oppose-t-elle toujours au préjugé ?

– Peut-on combattre une croyance par le raisonnement ? – Toute croyance est-elle contraire à la raison ?

▪ La raison et la démonstration

– Est-il raisonnable de vouloir tout démontrer ? – Faut-il démontrer pour savoir ?

– La démonstration est-elle une condition de la science ? – La raison est-elle seulement affaire de logique ?

▪ La raison et le désir

– Est-il absurde de désirer l’impossible ?

– Est-il raisonnable de vouloir maîtriser tous ses désirs ? – Être raisonnable, est-ce faire taire ses désirs ?

– La raison s’oppose-t-elle nécessairement au désir ? – Le désir nous rend-il déraisonnable ?

▪ La raison et le droit

– Suffit-il d’être dans son droit pour avoir raison ?

▪ La raison et l’esprit

– L’irrationalité n’est-elle qu’une faiblesse de l’esprit ? – Peut-on apprendre à penser ?

– Qu’est-ce que penser avec rigueur ?

▪ La raison et l’existence

– Faut-il se donner des raisons d’exister ?

– La raison peut-elle nous éclairer dans notre vie ?

▪ La raison et l’expérience

– Est-il rationnel de se méfier des faits ? – L’expérience rend-elle raisonnable ?

– La raison est-elle plus fiable que l’expérience ? – Peut-on avoir raison contre les faits ?

– Peut-on connaître sans faire usage de la raison ?

▪ La raison et l’histoire

– Faut-il voir dans l’histoire humaine un progrès constant ?

– La singularité des événements historiques s’oppose-t-elle à leur explication ? – Le cours de l’histoire est-il prévisible ?

– Le progrès historique est-il un mythe ou une réalité ? – Peut-il y avoir des lois de l’histoire ?

– Peut-on expliquer un événement historique ? – Qu’est-il raisonnable d’espérer de l’histoire ?

– Un événement historique est-il toujours imprévisible ?

▪ La raison et la loi

– Les lois sont-elles l’œuvre de la raison ? – Peut-il être raisonnable de désobéir à la loi ?

▪ La raison et la morale

– L’existence du mal met-elle en échec la raison ? – La raison peut-elle être mise au service du mal ?

– Quelle différence y a-t-il entre expliquer un acte et juger de sa valeur morale ? – Quelles raisons avons-nous d’agir moralement ?

– Suffit-il d’être rationnel pour être raisonnable ?

▪ La raison et le réel

– La raison doit-elle se soumettre au réel ?

– La raison n’a-t-elle pour fin que la connaissance du réel ? – La raison peut-elle comprendre le réel ?

– La raison peut-elle entièrement rendre compte du réel ? – La raison suffit-elle à connaître le réel ?

– Le réel est-il une construction de la raison ?

– S’écarter de la réalité, est-ce nécessairement déraisonnable ?

▪ La raison et les passions

– N’y a-t-il que des passions déraisonnables ? – Toute passion est-elle déraisonnable ?

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  • La conscience (Gén.)
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  • La technique (Gén. – Techn.)
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